La « majorité médicale » inventée par les autorités belges pour contourner l’autorité parentale sur la vaccination des mineurs n’est pas aussi simple, au regard de la subtilité de la loi. Audrey Lackner, avocate au barreau de Bruxelles, fait le point sur les fondements juridiques de cette question complexe [1]. Pas simple non plus, l’application du consentement lorsque les deux parents ne sont pas du même avis.
Au mois de juillet, dans la foulée de l’élargissement de la vaccination aux mineurs, un nouveau concept est apparu dans notre vocabulaire, celui de « majorité médicale » qui venait justifier la dérogation au consentement des parents pour les 16-17 ans. Une autorité parentale d’office mise entre parenthèses ? Ce n’est pas si simple, au regard de la subtilité de la loi.
Un raccourci contestable
Dans un communiqué du 7 juin, la Conférence interministérielle (CIM) Santé publique notifiait concernant les 16-17 ans qu’« en vertu de la loi sur les droits des patients, ces jeunes sont autorisés à décider eux-mêmes de se faire vacciner. Le consentement des parents n’est pas nécessaire car, dans cette tranche d’âge, on reconnaît à l’adolescent la « majorité médicale ». Il est considéré comme capable de prendre cette décision lui-même. »
Or, cette formulation de majorité médicale n’apparaît pas dans la loi , qui, explique Audrey Lackner, est beaucoup plus nuancée : pour les actes médicaux, « l’exercice de l’autorité parentale reste la règle mais compte tenu du caractère personnel des droits visés, le mineur bénéficie d’une autonomie à apprécier ses intérêts ». Cette exception qui permet d’associer le mineur à une décision médicale se double d’une condition : il doit être estimé « apte à apprécier raisonnablement ses intérêts ».
Le critère d’âge pas suffisant
C’est donc au praticien – en cas de désaccord entre les parents et l’enfant sur une question médicale – qu’il revient de juger cette aptitude. Etant donné qu’il s’agit d’un critère subjectif, « il doit être examiné au cas par cas » pour chaque mineur et l’avocate de préciser que si le praticien estime « que le patient mineur ne dispose pas de cette aptitude, il devrait obtenir le consentement des parents ». Ainsi, le critère d’âge n’est pas suffisant. Pour Audrey Lackner, « on ne peut donc affirmer qu’il existe une « majorité médicale » à 16 ans », car « il serait erroné de dire que tous les jeunes de cette tranche d’âge sont aptes à prendre une telle décision. »
L’autorité parentale obligatoirement conjointe
Des désaccords peuvent parfois survenir entre parents concernant des choix médicaux relatifs à leur enfant. « Pour comprendre ce qu’un parent est en droit de faire ou non », il faut, explique l’avocate, « rappeler les règles en matière d’exercice de l’autorité parentale » : établie par le code civil (aux articles 373 et 374) qui mentionne son exercice conjoint, il est « de jurisprudence constante que les interventions et traitements médicaux nécessitent l’accord du père et de la mère dans le cadre de l’exercice conjoint de l’autorité parentale ». Si les parents sont en désaccord sur une question de ce type, seul le juge est apte à trancher celle-ci. Il est en effet exclu que l’un des parents fasse cavalier seul, au risque d’enfreindre le principe de l’autorité parentale conjointe. Elle conseille dès lors, en cas de désaccord indépassable par les parents, « de saisir le juge avant que l’un des parents ne pose un acte qui pourrait s’avérer irréversible. »
Par Marley R.
[1] Note d’analyse d’Audrey Lackner « Vaccination des mineurs contre la COVID-19 : « majorité médicale » et exercice de l’autorité parentale. » (en cours de publication)
https://www.health.belgium.be/fr/news/cim-sante-publique-7
Loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient https://www.health.belgium.be/fr/loi-du-22-aout-2002-relative-aux-droits-du-patient
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