Valence: la goutte de trop ?

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Le 29 octobre 2024, l'agglomération de Valence en Espagne est victime d'une nouvelle inondation, due à un phénomène météorologique. Les premiers messages, puis de nombreux par la suite, l'imputent au changement climatique et aux énergies fossiles.  Pourtant une trentaine de crues recensées depuis 1238, dont les dernières en 1957, 1982,1987 et 1996 déjà et sans réchauffement climatique. Alors ?

Que dit le GIEC sur les inondations ?

"En résumé, il est très probable que des inondations plus importantes que celles enregistrées depuis le XXe siècle se soient produites au cours des 500 dernières années en Europe du Nord et centrale, dans la région de la Méditerranée occidentale et en Asie orientale. Il est toutefois moyennement certain qu’au Proche‑Orient, en Inde, dans le centre de l’Amérique du Nord, les grandes inondations modernes soient comparables ou supérieures aux inondations historiques en termes d’ampleur et/ou de fréquence. (AR5, 5.5.5, p. 425).En résumé, il y a toujours un manque de preuves et donc une faible confiance concernant le signe de tendance dans l’ampleur et/ou la fréquence des inondations à l’échelle mondiale. » (AR5, 2.6.2.2, p. 214)."

Valence et les inondations: un couple infernal

Depuis que le recensement des crues existe en 1238, 30 crues du fleuve Turia ont marqué la ville et sa province, les plus récentes en 1957, 1982, 1987 et 1996. Le nombre et la récurrence en font un élément essentiel du fonctionnement de la ville, un danger permanent et devraient guider les politiques locales.

Le plan Sud de la Gran Riada

En 1958, après les inondations de 1957,  la ville, la communauté autonome et l'État espagnol ont engagé et réalisé le plan Sud de la Gran Riada. Ce plan a été retenu plutôt que les solutions au Nord ou au centre. Ce. grand projet de détournement du fleuve consistait à réaliser un canal rejoignant la mer et des bassins de rétention, dans une zone de maraîchage, la huerta valencienne,  inhabitée à l'époque. Projet pertinent sur le plan de la lutte contre les inondations puisqu'il permet de transformer la plaine agricole en vaste espace d'expansion des crues.

Ce projet a supprimé la traversée de la ville par le fleuve et permis d'y engager des travaux importants d'embellissement de la ville et de restructuration du port, le plus important en termes de fret.

L'article de Jean Sermet[1] précise que désormais "le développement de la ville en direction de la plaine agricole de la  Huerta (le nom de cette partie sud de la ville) est interdit et qu'aucune autorisation de bâtir ne sera accordée".

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Carte permettant de situer la Zone Sud
Source : Carte Michelin
Commentaire: le canal de dérivation du Turia apparaît entre Manises et Pinedo.

Une administration dont la compétence pose question

La communauté de Valence, 3ème d'Espagne,  est habitée par 2 400 000 personnes et la ville, 3ème elle aussi, par 800 000 habitants, ce qui est très significatif.

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Carte de la communauté de Valence

En Espagne, l'administration régionale de la communauté autonome est responsable de la sécurité et de l'alerte en cas de catastrophe. Différents articles de presse quotidienne précisent que le président Mazon a hésité pendant 2 heures avant de déclencher l'alerte à 20h10, bloquant ainsi de nombreuses personnes rentrant de leur travail sur les autoroutes. Il a longuement réfléchi avant de demander aux secours relevant de l'administration d'Etat, l'unité militaire d'urgence ( il l'avait auparavant critiquée comme trop coûteuse)  d'intervenir. L'administration de l'Etat central elle‑même n'a pas pris la décision d'élever le niveau d'alerte ou de décréter l'état d'urgence.

Cette lenteur est très probablement en grande partie à l'origine des 230 morts et du chaos.

"Libération[2] suggère que des dizaines de morts auraient pu être évitées si l’alerte avait été donnée par les autorités, signifiant aux habitants qu’ils ne devaient surtout pas prendre la route, ni descendre dans les parkings, ni rester dans les rez‑de‑chaussée, nombre des victimes seraient toujours vivantes, la plupart d’entre elles étant mortes noyées dans leur voiture partie à la dérive sous la puissance des flots. « Nous savons qu’une alerte notifiée vingt‑quatre heures avant l’arrivée d’une tempête ou d’une vague de chaleur peut réduire de 30 % les dommages qui s’ensuivent », indiquait à Libération[3] Celeste Saulo, secrétaire générale de l’Organisation météorologique mondiale."

4 novembre 2024 / Association des climato‑réalistes

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État chiffré des inondations
Source : Copernicus
Commentaire: le positionnement des morts autour de Valence est très approximatif.

Un centre‑ville épargné et des quartiers Sud gravement touchés

La carte d'impact des inondations mise en ligne par Eduscol est éloquente.

Si cette zone est l'épicentre des inondations, qui provient aussi de deux autres fleuves situés plus au sud, le Jucar et le Magro à sec durant l'été, ,  elle a épargné effectivement le centre‑ville de Valence.

Par contre, au sud, la plaine de la Huerta est l'épicentre de cette crue.

Il s'agit donc d'un événement différent des crues du Turia, pour laquelle le canal et la zone d'expansion des crues ont été mises en place. Fatalité ?

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Carte des zones inondées
La tache dans le coin droit de la carte correspond à la ville de Valence
La langue marron qui correspond à la zone inondé représente la plaine de la Huerta
Source : Eduscol ENS Lyon

Urbanisation prioritaire en zone interdite

"Selon L’Express[4], un million de logements se trouvent en zone inondable, dont plus du quart dans la seule province de Valence. Le détournement du cours du fleuve Turia, à la suite de la grande crue de 1957, a permis de préserver le centre‑ville de Valence. Revers de la médaille, les débits de la crue se sont reportés sur les faubourgs environnants, à Chiva, Picanya, Paiporta."

4 novembre 2024 / Association des climato‑réalistes

Nous découvrons ainsi que la plaine agricole de la Huerta, dédiée à l'expansion des crues et interdite à l'urbanisation dès 1958 …. a continué à être urbanisée par les instances locales.

Ni la température de l'eau de la Méditerranée, ni l'éruption du volcan Tonga ne sont responsables.

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Description du phénomène de la goutte froide tombée sur l'Espagne

Conclusion

Les administrations locales de Valence et de sa communauté autonome ont été responsables, à plusieurs  reprises, de décisions qui posent question. En agissant de façon peu professionnelle au moment de la crue du 29 octobre 2024, ce que le président de la communauté autonome reconnaît lors d'une conférence de presse. Peut-être les résultats de conflits politiques, que la crue aurait dû faire taire.

Par contre, les crues du Jucar et du Magro ont créé une situation inédite à laquelle le plan Sud  ne faisait pas face.

Événement qui a révélé la dérive administrative, l'imperméabilisation et la construction de nombreux immeubles dans la plaine inconstructible de la Huerta, dédiée à l'expansion des crues depuis 1958.

Le climat, la goutte froide ont totalement masqué cette dérive développant la construction dans une zone interdite depuis 1958, quasiment inhabitée à l'époque, zone d'expansion de crues.

Ils ont occulté cette urbanisation illégale et massive et la responsabilité des élus et des urbanistes.

 

M. Dominique MUSSLIN
Architecte diplômé de l'école d'architecture de Lille
Urbaniste diplômé de l'institut de Geo‑architecture de Brest
Chargé de cours pour les Université de Montpellier et de Strasbourg

Sources

  • La défense de Valence contre les crues du Turio - Jean Sermet - Revue géographique des pyrénées et du sud ouest européen, 1958, pages 293‑295
  • Inondation dévastatrice à Valence - 13.11.2024 - Clara Loïzzo, Alex Prados Linde - Eduscol ENS Lyon
  • Bulletin Meteo France -30/11/2024
  • Bulletin des climato‑réalistes - 4/11/2024

Illustration de BAM!

[1] Revue géographique des Pyrénées et du Sud‑Ouest, tome 29, fascicule 3, 1958. - Persée

[2] Inondations dans l’est de l’Espagne : les morts évitables – Libération

[3] Tempêtes, ouragans, pluies torrentielles : «Ce sont des rappels tragiques de notre nouvelle réalité climatique» – Libération

[4] Inondations en Espagne : quand l’aveuglement politique conduit à la catastrophe – L'Express

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