Depuis le 20 novembre dernier, le télétravail est à nouveau obligatoire. Pour ceux qui peuvent le pratiquer, la règle des 4 jours est de rigueur. Passons sur les dispositions d’exception et le fatras administratif, les responsables en entreprise sont mis à rude épreuve par des pouvoirs publics qui s’emploient à tout compliquer.
Lors des séquences précédentes, on a beaucoup débattu du ressenti psychologique des travailleurs. A côté des reportages complaisants de la RTBF montrant un couple de cadres du BW en train de réaménager leurs bureaux respectifs dans la 4 façades, se gaussant du gain de temps en trajets, tout bénéfice pour les « kids », d’autres réalités bien plus crues sont apparues.
Un enfer pour des personnes vivant dans de petits espaces : en couple, voire avec des enfants dont l’école a été fermée pour cause de « cas contact ». Des drames liés à l’isolement et la solitude pour des personnes dont le travail constituait le principal univers social.
Nos gouvernants pourtant si prompts à se soucier de la santé des citoyens ont probablement « oublié » ces dimensions psychologiques liées au télétravail au moment d’appuyer une fois encore sur ce bouton-là.
Le télétravail, un bienfait au niveau économique ?
Ce qui intrigue dans cette généralisation du télétravail voulue par des « politiques néo-libéraux » chantres de l’efficacité (macro) économique, c’est l’impact désastreux que cette mesure provoque directement et indirectement.
Des milliers de m2 de bureaux sont vides et risquent de plonger ce pan de l’activité immobilière dans une crise structurelle. Tout l’horeca tributaire de l’activité de bureau est à l’agonie : opérateurs de restaurants d’entreprises, petits snacks et restaurants orientés sur le service du midi. Et on pourrait continuer avec les sociétés de gardiennage, les hôtesses d’accueil, …
Et le travailleur dans tout cela ? Dans la “novlangue” des ressources humaines, un travailleur est une variable d’ajustement qui, à l’insu de son plein gré, est la prochaine cible des obsessionnels du dividende et son désormais corollaire, la réduction des coûts.
Dans les grandes entreprises lourdes de structures, on peut estimer environ à 20% le temps de travail « non productif » en réunions de staff, d’organisation … et aussi en réunions inutiles. Ces « inutilités » permettaient toutefois d’alimenter le corps social de l’entreprise au même titre que le petit mot à la machine à café permettait de régler un problème.
L’économie n’est pas une science exacte mais assurément une science humaine où le relationnel est créateur de valeur pour l’innovation et le projet d’entreprise.
Déconnecter (ou ne les connecter que par écran interposé) les collaborateurs entre eux casse toute la dynamique du groupe.
Un travailleur devenu « invisible »
En Teams et en Zoom, tout cela tend à disparaître et les 20% de temps inutile se transformeront vite en suppression d’emploi.
En acceptant ces mesures sans sourciller, les travailleurs, comme les syndicats qui portent une lourde responsabilité dans ce processus, ont permis « leur invisibilité » mais aussi la dépréciation de leur travail et de leur fonction.
Le bonus est la déculpabilisation assurée lors des licenciements : une petite vidéo conférence, une suppression de profil sur un serveur, et le tour est joué.
Le sens d’une telle mesure sur le long terme
Au nom du péril sanitaire, le gouvernement a usé de cette mesure au point que dans certaines entreprises, l’exception est devenue la norme et qu’on supprime définitivement des espaces de bureau. Alors que des secteurs comme les banques, assurances et autres télécoms opèrent des plans de suppression de postes depuis des années, nos gouvernants passent les plats aux dirigeants de ces entreprises.
Quand on regarde les liaisons (dangereuses ?) entre grands patrons, politiques et consultants (tous en charge des plans de restructuration), on est en droit de s’interroger sur la réelle bienveillance de ceci.
Des conséquences désastreuses
Avec le télétravail massif, des entreprises et leurs dirigeants, ont eu des gains en dividendes record grâce aux économies réalisées : location de bureau, gain en énergie, en frais de déplacement, en suppression de postes.
Les dégâts à charge de la collectivité sont importants : perte de postes et d’emplois et ses conséquences en termes de coûts pour la sécurité sociale en assurance chômage, « burnouts », dépressions, …
Le télétravail est très positif pour autant qu’il soit négocié entre l’employeur et l’employé. Le bon sens nous indique qu’un ou deux jours par semaine semble être le bon tempo.
Aucun adepte du travail à distance n’avait prévu qu’un gouvernement finirait par contraindre à la hussarde toute une partie de la population à y avoir recours à raison de 4 jours par semaine (on a échappé aux 5 jours in extremis). Ce même gouvernement, qui se vante d’agir sous couvert d’experts et de scientifiques, n’a jamais mesuré l’impact de cette généralisation du télétravail. En pseudo-gérant une crise sanitaire avec des mesures totalement inadéquates, ce gouvernement nous a entraînés dans une crise socio-économique durable.
Comme dans le monde de l’entreprise vénéré par tant de politiques, quand on est à ce point dans l’échec, on présente sa démission ! (on avait un peu oublié ce mot-là)
Par Philippe Davister
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