“Après des mois de débats sur l'utilité de cette molécule controversée, l'institut Pasteur vient de rendre public une étude plaidant pour l'efficacité de l'ivermectine. En Inde, une responsable de l'OMS est, elle, poursuivie pour l’avoir déconseillée.“
"La lutte anti-Covid vient-elle de connaître un nouveau rebondissement ? Une étude rendue publique par l’Institut Pasteur lundi 12 juillet réactive en effet la piste d’une molécule déjà bien connue pour lutter contre les divers parasites intestinaux, l’ivermectine. Et ce, au moment où la multiplication des variants, faute d’un niveau de vaccination mondiale suffisant, renouvelle l’intérêt pour des traitements susceptibles de réduire la dangerosité du Covid 19 - tout particulièrement celle de l’orage citokinique, un emballement de l’immunité qui submerge les poumons des malades. D’après l’étude en question, l’ivermectine se révèle très efficace pour prévenir la réaction inflammatoire mortelle déclenchée par le coronavirus sur un modèle animal prometteur : le hamster. Si la maladie n’est pas pour lui aussi dangereuse que chez l’humain, il développe néanmoins l’anosmie, la perte de l’odorat, un symptôme de cette maladie."
"Depuis les débuts de la pandémie, cette molécule figure parmi les médicaments testés mais les divers essais menés à travers le monde n’ont pas encore permis de valider de façon satisfaisante son efficacité."
"« Menés le plus souvent dans des pays émergents, ces essais cliniques ne réunissaient pas les conditions demandées pour la mise à l’épreuve de médicaments chez nous. Cela a conduit à des critiques tant au sein de l’Organisation Mondiale pour la Santé qu’au sein de la direction générale de la santé », explique Jean-Pierre Changeux, le grand neuroscientifique figurant parmi les signataires de cette nouvelle étude. Jusqu'à présent, l'O.M.S. ne l'a pas retenue parmi les traitements qu'elle préconise, pas plus que les agences du médicament américaines ou européennes. Cela n'empêche pas cet antiparasitaire très bon marché d'être déjà utilisé dans plusieurs pays du Moyen-Orient ainsi qu'en Inde, où des médecins assurent constater ses effets bénéfiques pour réduire la gravité de la maladie."
"Cette histoire vous rappelle quelque chose ? « La polémique autour de l'hydroxychloroquine a beaucoup nui à l'évaluation objective de l'ivermectine », regrette Jean-Pierre Changeux. Une molécule qui fait débat depuis des mois Comme le médicament antipaludéen, ce traitement déchaîne en effet les passions sur les réseaux sociaux et les querelles scientifiques. Il a même récemment conduit à la mise en cause d'une responsable de l'O.M.S. en Inde, Soumia Swaminathan. Cette pédiatre reconnue pour ses travaux sur la tuberculose est une des scientifiques en chef de l'institution internationale. L'Indian Bar Association, un regroupement d'avocats indiens, a annoncé voici quelques jours entamer des poursuites à son encontre. L'association l'accuse d'avoir volontairement écarté des preuves en faveur de ce traitement et tweeté pour en déconseiller l'usage, l'accusant d'avoir voulu favoriser les vaccins et les intérêts des laboratoires qui les produisent."
"Selon l'avocate en charge de dossier, ce tweet aurait conduit un des Etats indiens à l'écarter de son protocole de traitement et aurait ainsi causé la mort de nombreux malades que l'Ivermectine aurait pu supposément sauver."
"De son côté, Jean-Pierre Changeux ne comprend pas que cette molécule ne soit pas incluse dans les différents programmes d'évaluation. « Voilà plus d'un an que des chercheurs demandent que l'ivermectine soit incluse dans des essais thérapeutiques, sans y parvenir. Voici quelques jours, les Britanniques eux, en ont lancé deux, notamment avec une excellente équipe d'Oxford déjà à l'origine du seul traitement un peu efficace à ce jour, la dexaméthazone, je regrette que cela n'ait pas lieu en France. » Si ces essais ont été lancés au Royaume-Uni, dit-il c'est à la demande de médecins et de chercheurs en France, affirme le neuroscientifique. Il s'étonne que même Merck, le laboratoire qui fabrique ce médicament n'ait pas non plus souhaité en lancer. "
"Un moyen de débloquer le récepteur nicotinique ? Voici plus d'un an, que Jean-Pierre Changeux et Zahir Amoura, chef de service à la Pitié Salpêtrière, avaient émis l'hypothèse, que le Covid pourrait pénétrer notre organisme via le récepteur nicotinique. Il s'agit d'une protéine contenue dans nos neurones qui y fixe différents neurotransmetteurs cruciaux pour notre organisme, protéine que Jean-Pierre Changeux a lui-même contribué à découvrir. Cette hypothèse permettrait notamment d'expliquer l'énigme des fumeurs, moins nombreux que la moyenne à présenter une forme grave de Covid. Ses travaux ont également démontré que l'Ivermectine a un effet d'activation de ce récepteur chez les mammifères. D'où l'idée de sa possible utilisation contre le Covid et de l'étude menée au sein de l'équipe du vétérinaire Hervé Boury à l'Institut Pasteur, dont l'auteur principal est Guilherme Dias de Melo. Quelles applications thérapeutiques seraient alors envisageables sur l'homme ? « Chez le hamster, l'ivermectine n'agit pas sur la prolifération du virus mais principalement sur ses effets, cliniques et immunologiques, précise Jean-Pierre Changeux. Ceux-ci pourraient passer par réflexe vagal, déclencheur du fameux orage citokinique, qui, on le sait, passe par le récepteur nicotinique. »"
"« Chez la souris, l'invalidation de ce récepteur déclenche ce réflexe inflammatoire. Notre hypothèse est que le coronavirus bloquerait directement ou indirectement ce récepteur et que l'Ivermectine pourrait le réactiver. » Autre souci, certains experts estiment que la dose nécessaire d'ivermectine pour obtenir un résultat serait très supérieure à celle habituellement utilisée contre les parasites et pourrait entraîner des effets secondaires inquiétants."
"Ce que JeanPierre Changeux dément : « Face aux variants, il est très intéressant d'avoir une piste chimique aussi prometteuse avec une molécule déjà bien connue et qui n'a pas donné lieu à des effets indésirables significatifs. Nous avons utilisé avec le hamster des doses d'IVM couramment utilisées en clinique humaine avec des millions de patients... et très peu d'effets secondaires. C'est un point essentiel de notre travail. » Le mystère des bienfaits de l'ivermectine n'est donc pas tout à fait éclairci."
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