Analyse critique de l’arrêt prononcé le 2-3-2023 par la Cour Constitutionnelle rejetant les recours introduits contre la loi du 14-8-2021 dite « loi pandémie ».
Dans le courant du mois de mai 2022, pas moins de dix recours en annulation distincts ont été déposés devant la Cour constitutionnelle contre les dispositions de la loi dite « Pandémie » (loi du 14 août 2022 relative aux mesures de police administrative lors d’une situation d’urgence épidémique). Un de ces recours a été déposé par les associations sans but lucratif GRAPPE et NOTRE BON DROIT ainsi que par Thierry Vanderlinden. Le recours mettait en évidence, sur base de plusieurs moyens, l’irrespect par cette loi de multiples normes supérieures en matière de protection des Droits de l’Homme. La Cour a décidé, ce 2 mars 2023, de rejeter tous les recours. L’argument principal invoqué par la Cour - et cité 13 fois dans l’arrêt - pour déclarer les arguments des plaignants non fondés consiste à considérer que ce n’est pas la loi elle-même qui constitue une ingérence dans les droits fondamentaux mais bien les divers arrêtés qui peuvent être pris en vertu de cette loi par les différents niveaux de pouvoir exécutif : gouvernement, ministre, gouverneur, bourgmestre. Or, attaquer ces arrêtés (quels qu’en soient les motifs) n’est pas de la compétence de la Cour mais bien du Conseil d’Etat. Toutefois, il faut souligner qu’introduire un recours devant le Conseil d’Etat contre l’Arrêté Royal déclarant une situation d’urgence épidémique ne va pas de soi : d’abord, il devra être introduit en extrême urgence puisque cet arrêté doit être confirmé par une loi dans les 15 jours, ce qui implique une très grande réactivité de la part de plaignants éventuels ; ensuite, « l’intérêt à agir » dans le chef des plaignants pourrait être délicat à démontrer puisqu’il s’agira d’une simple déclaration d’urgence épidémique, et non de mesures concrètes. Dès lors, il sera sans doute préférable d’attaquer ces mesures concrètes en visant les arrêtés édictant les mesures de police administrative, tels que le confinement, le port du masque, la fermeture de certains établissements, etc., en démontrant que ces mesures ne répondent pas (en tout ou en partie) aux 4 critères suivants : nécessité, adéquation, proportionnalité et limitation dans le temps. Mais cela nécessitera une multitude de recours, et donc des coûts relativement élevés qui risquent fort - compte tenu de la situation économique actuelle – de rendre quasi impossible pour le citoyen de faire valoir ses droits en justice. D’autre part, d’autres éléments relevés par la Cour méritent d’être soulignés :
- § B.26.3 : l’analyse de risque préalable visant à démontrer l’existence d’une situation d’urgence épidémique n’est pas réalisée par un organe « mystérieux et obscur » (selon un des requérants), mais par une cellule d’évaluation créée par un AR. du 31-1-2003 qui précise que celle-ci est « composée des spécialistes et scientifiques compétents de l'ensemble des départements ou services concernés par la gestion et l'analyse de l'événement ». Autrement dit, le Gouvernement peut s’appuyer sur ses propres experts qu’il estime « compétents » (sur base de critères non déterminés) sans devoir se soucier d’avis divergents.
- § B.28.2 : le délai de 15 jours dans lequel l’AR. déclarant une situation d’urgence épidémique doit être confirmé par une loi est justifié par les travaux préparatoires de la loi qui affirment qu’« il faut prévoir suffisamment de temps pour pouvoir mener un débat parlementaire approfondi » : depuis le début de la crise « sanitaire », la quasi-totalité des députés a fait preuve d’un silence assourdissant en raison de la discipline de parti ou de paresse intellectuelle.
- § B.20.1 : les travaux préparatoires de la loi du 14 août 2021 mentionnent explicitement que
« la déclaration de la situation d’urgence épidémique n’implique en aucun cas qu’il s’agirait d’un état d’urgence par lequel la Constitution serait suspendue, ce qui ne se peut en vertu de
l’article 187 de la Constitution ».
- § B. 58 : « … aucun des droits et libertés fondamentaux mentionnés dans les différentes
requêtes n’est absolu. Des limitations sont admises pour autant que certaines conditions soient remplies, telles que le respect du principe de légalité formelle, du principe de légalité matérielle, du principe de la légitimité et du principe de proportionnalité. »
- § B.50.3 : la Cour de Justice de l’Union européenne définit comme suit les principes de précaution et de proportionnalité : « ... lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué, en raison de la nature non concluante des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives. Ledit principe doit, en outre, être appliqué en tenant compte du principe de proportionnalité, lequel exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés ».
Il est aujourd’hui avéré qu’il existait d’autres mesures appropriées pour lutter contre la Covid-19 qui étaient « moins contraignantes » que le confinement ou le CST, mais qui surtout respectaient mieux le principe de précaution que la vaccination de masse aux effets délétères.
On peut donc constater que la Cour a en quelque sorte entériné l’action du gouvernement : limitation des libertés individuelles moyennant le respect de certaines conditions, vernis démocratique apposé par un pseudo débat parlementaire et un état d’urgence théoriquement inexistant, pensée unique en matière scientifique par le recours à ses propres experts, et surtout confortation de la « loi pandémie » par le rejet de tous les recours en annulation et en renvoyant les citoyens devant une autre juridiction : dans ce cas, il faudra attendre une nouvelle pandémie puisqu’aucune mesure de police administrative n’est encore d’application aujourd’hui.
Cette décision vise à endormir notre vigilance à la veille des beaux jours, mais nous devons tous ensemble rester en alerte pour défendre nos droits et libertés ! Le 5 mars 2023.
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