Le gouvernement chinois montre ce qu’on peut faire des passes sanitaires numériques combinés à des tests et des vaccinations comme conditions d'accès aux bâtiments et aux transports. Quiconque affiche un comportement insoumis, par exemple en participant à des manifestations, verra simplement son état de santé défini comme « dangereux ». De telles procédures ne nous sont plus complètement étrangères. Et le laissez-passer sanitaire numérique est en voie de devenir un instrument permanent dans l'UE.
Un rapport [1] du 14 juin 2022 de l'agence de presse Reuters, intitulé « La manifestation contre les banques chinoises arrêtée par le passage au rouge des codes de santé » devrait amener à reconsidérer leur point de vue ceux qui croient encore que le laissez-passer vaccinal et les applications qui y sont associées, seraient des avancées technologiques bénignes et utiles.
Le rapport explique comment les clients de trois banques du centre de la Chine, dont les fonds étaient gelés, ont été empêchés par les Autorités d'assister aux manifestations, car elles ont fait passer leur application de santé au rouge. Plusieurs clients l’ont rapporté à l'agence de presse. Le gouvernement provincial et le ministère chinois de l'Intérieur, contactés par Reuters, n'ont fait aucun commentaire. La Commission nationale de la Santé a déclaré que l'utilisation des codes de santé ne devrait pas être étendue sans autorisation.
Selon le rapport, les clients de toute la Chine voulaient se rendre dans la province du Henan pour protester contre un blocage de près de deux mois de l'accès aux dépôts en raison d'une rationalisation des processus bancaires internes.
Il s’est alors passé exactement ce que redoutent des groupes de défense des droits civiques, et pas seulement en Chine : l'infrastructure de surveillance covid a été utilisée pour réprimer la dissidence. Dans de nombreuses provinces de Chine, un « feu vert » sur l'application covid pour smartphone est une condition préalable à l'accès aux transports en commun, restaurants et centres commerciaux ainsi qu’à de nombreuses autres infrastructures.
« Ils nous ont mis des menottes numériques », a commenté un client de la banque à Reuters. Après que les clients des banques ont enregistré leurs plans de voyage en ligne, comme l'exigent les restrictions anti-covid, les applications covid sont soudain devenues rouges pour beaucoup de gens. Pour d'autres, elles sont devenues rouges après leur identification avec l'application sur le site des manifestations prévues.
Pour les personnes concernées cela signifie non seulement qu'elles ne peuvent pas participer aux manifestations, mais qu'elles sont punies pour cette seule intention avec pour conséquences qu'elles ne peuvent pratiquement plus se déplacer dans leur lieu de résidence, même pas pour travailler.
L'approche chinoise est juste un cran plus sévère que chez nous
On ne peut pas se consoler en pensant que cela ne peut arriver que dans un État autoritaire comme la Chine. Il existe des exemples similaires dans des démocraties soi-disant libérales. Rappelez-vous comment le gouvernement canadien a annulé les protestations des camionneurs contre les règles draconiennes de vaccination anti-covid en déclarant l'état d'urgence et en gelant les comptes bancaires de tous les routiers présents et de tous leurs partisans. Si le gouvernement canadien avait eu un système de contrôle d'accès numérique centralisé aussi étendu que celui de la Chine, il aurait certainement préféré l'utiliser pour réprimer les protestations.
En Allemagne, les personnes qui voulaient protester contre les mesures sanitaires ont été délibérément dissuadées et criminalisées de manière latente avec des restrictions ou, plus souvent, l’interdiction pure et simple de manifestations, en arguant du risque d’infection, alors que d’autres manifestations plus « confortables » ont été approuvées avec des conditions moins rigides.
La ville d'Ulm en a fourni un exemple particulièrement flagrant début 2022. Elle a interdit toute manifestation contre les mesures sanitaires sous prétexte d'épidémie. Afin d'éviter les « promenades corona » inopinées, la ville a prescrit des masques FFP2 dans tout le centre-ville pour les lundis et vendredis soir.
Cette obligation était harassante de porter un masque FFP2, car ces masques particulièrement filtrant rendent la respiration à l'extérieur ou dans la voiture plus difficile. Les Autorités ont argué que cette obligation servait à faciliter le travail de la police : les détracteurs des mesures sanitaires, ayant une forte réticence à porter des masques, ne le feraient pas et seraient donc facilement repérés comme « perturbateurs » [2].
Afin de souligner son caractère contraignant, l’ordonnance du port du masque obligatoire menaçait expressément tout contrevenant du recours à l'usage de la force physique allant jusqu'à l'utilisation d'armes.
Suite à mon article [3], la Ville et la direction de la Police, visiblement embarrassés, ont précisé [4] qu'ils ne tireraient pas sur des personnes non masquées. Quelques jours plus tard, la Ville a annoncé [5] que la menace du recours à l’usage de la force serait retirée de l’ordonnance. L'obligation de porter un masque les jours de promenade est toutefois restée en place.
De l'exemple canadien et de la façon dont les règles anti-corona ont été utilisées à Ulm et dans toute l'Allemagne pour réprimer les manifestations, je tire la conclusion que, sous prétexte de lutter contre une pandémie, une population effrayée peut facilement être manipulée, même dans les démocraties dites « libérales », afin de rendre acceptables les possibilités de surveillance et de contrôle, sous prétexte d’une politique sanitaire, visant à empêcher les protestations contre le gouvernement.
La poursuite du certificat de vaccination numérique prévu par l'UE [6] – malgré plus de 380 000 déclarations majoritairement négatives [7] dans une consultation citoyenne officielle – et l'harmonisation mondiale du laissez-passer vaccinal, pour laquelle la société T-Systems a été mandatée [8], doivent donc être considérées comme des mesures avec un potentiel d'abus extrêmement élevé. Comme le montre de façon effrayante l'exemple actuel de la Chine, elles permettent un contrôle très étendu et ciblé des actions des citoyens.
Par Norbert Häring [9], analyste et journaliste économique allemand, rédacteur et directeur de rédaction (Börsen-Zeitung, Financial Times Deutschland, Handelsblatt), membre du ECB Shadow Council, blogueur indépendant et fervent défenseur du paiement en espèces
[1] https://www.reuters.com/world/china/china-bank-protest-stopped-by-health-codes-turning-red-depositors-say-2022-06-14/
[2] https://norberthaering.de/macht-kontrolle/ulm/
[3] Ibid.
[4] https://norberthaering.de/macht-kontrolle/ulm-pressemitteilung-schusswaffen/
[5] https://www.ulm.de/aktuelle-meldungen/z%C3%B6a/februar-2022/allgemeinverfuegung-aenderung-2022_02 (page plus disponible)
[6] https://norberthaering.de/news/umfrage-covid-pass-verlaengerung/
[7] https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/13375-Verlangerung-der-Verordnung-uber-das-digitale-COVID-Zertifikat-der-EU/feedback_de?p_id=27926341 (page plus disponible)
[8] https://norberthaering.de/macht-kontrolle/t-systems-who/
[9] https://norberthaering.de/en/cv/
Lien vers le site original :
https://norberthaering.de
Titre original : „China zeigt, wozu G-Regeln und Gesundheitspässe gut sind – zur totalen Kontrolle der Bevölkerung durch die Regierung“
Article traduit de l’allemand par Colin Meier
Source photo :
Montage d’une image de Colin Meier et d’une image redimensionnée d’Andrey Belenko sur flickr, CC BY 2.0