Présentée sous le nom de « réglementation », la censure planait en fait en permanence au-dessus de la réunion. Un soupçon confirmé par l’attitude de quasiment tous les intervenants qui ressentaient à un moment ou un autre le besoin de s’en défendre, du moins de manière formelle, mais ne songeaient jamais à renoncer à cette extension de leur pouvoir.
Amalgame nauséabond
La vice-présidente Jourová admet ainsi avoir déjà vécu à la fois la désinformation et la censure soviétique. C’est pour cela, selon elle, qu’il faudra être vigilant à ce qu’il ne faille pas tendre vers « la vérité unique ». Mais si cet équilibre semble si compliqué à conserver, pourquoi ne pas tout simplement s’abstenir de propositions de loi telles que le Digital Services Act (DSA) [1], [2], le Digital Markets Act (DMA) [3], [4] ou encore le Plan d’action pour la démocratie européenne [5], [6] ? Ces textes n’ont, à ses yeux, rien de la censure (bien que cela s’apparente à sa définition officielle [7]) car cela serait, au contraire, pavé de bonnes intentions. Comme l’enfer.
C’est d’ailleurs là où mènent les propos de Mme Jourová, qui suggère même un amalgame entre le complotisme et des contenus clairement illicites (par ex. la diffusion de pédopornographie). En insistant sur le fait que l’un est déjà illégal mais pas l’autre, elle sous-entend l’idée de la nécessité de rendre illicites (et donc de censurer) tous les contenus qui tomberaient dans le vaste panier du concept fourre-tout du « complotisme ». Des contenus se caractérisant d’abord et surtout par une approche critique du pouvoir trop dérangeante.
Où sont les victimes ?
Tout cela est souligné par une posture moraliste larmoyante du style « On le fait pour vous et le bien commun. On le fait au nom des victimes. On se doit de sauver des vies. » Vers la fin du webinaire d’ailleurs, Imran Ahmed, PDG du Center for Countering Digital Hate (CCDH), prend la parole et se dit très préoccupé par les dangers de la désinformation et se présente comme porte-parole des victimes de celle-ci. Il se réfugie, à un moment donné, derrière une liste de victimes avérées (comme la communauté musulmane de Christ Church) et la parsème de prétendues victimes (par ex. les personnes non vaccinées contre le covid-19).
L’objectif est clair : se saisir de l’opportunité de la crise du covid-19 pour insinuer, ici aussi, une équivalence entre les différentes victimes et suggérer ainsi la réalité du statut de victimes au sujet des dernières via la réalité de ce statut au sujet des premières. En invoquant une image de réelles victimes, le public sera plus à même d’accepter que les personnes non vaccinées en seraient aussi.
Inversement, il dit implicitement que les vaccins contre le covid-19 seraient non seulement efficaces, mais salvateurs. Toute autre opinion serait de la désinformation potentiellement nocive à autrui, un propos qu’il renforce par son feint dégoût vis-à-vis des énormes profits des GAFAM [8]. Ne lui semble-t-il pas quelque peu hypocrite de pleurer des larmes de crocodiles sur les profits des GAFAM, alors que dans les rangs des directeurs du CCDH l’on compte Thomas Conrad Lewis, dit « Tom », Brookes [9], [10], un ancien lobbyiste et porte-parole pour les entreprises Microsoft [11] et Apple [12] à l’époque des investigations anti-monopoles de l’UE contre elles [13]. Jouant de l’indignation du public sur ces deux points et en suggérant qu’il y aurait un lien de cause à effet, il crée à la fois un lien cognitif et émotif, très difficile à défaire, censé faire accepter la censure de tout propos pouvant créer des « victimes potentielles ».
Information partiale et partielle
Ahmed se garde bien de donner toute l’information concernant les vaccins anticovid, notamment que les études de phase III ne sont même pas encore terminées[14] et qu’il s’agit donc d’autorisations de mise sur le marché (AMM) conditionnelles [15], [16], que les groupes de contrôle ont été vaccinés [17], [18], que les vaccins contre le covid-19 montre plus d’effets secondaires que d’autres [19], [20], que les rapports bénéfices-risques favorables n’ont pas encore été établis, surtout pour les moins de 45 ans ainsi qu’au sujet des effets secondaires à long terme [21], [22], [23], et que les vaccins pourraient être inefficaces contre les fameux variants, voire contreproductifs, comme le montre l’apparition de variants dans certains pays très avancés dans la vaccination [24], [25].
Au cas où M. Ahmed se tromperait éventuellement, serait-il prêt, lui, à être censuré et porter sa part de responsabilité (y compris juridique) en ce qui concerne les victimes d’effets secondaires graves liés au vaccins [26], [27], [28], [29], causées par une « campagne d’incitation à la vaccination » à laquelle il aura sciemment participé et qui n’a rien d’une campagne d’information transparente de la part des autorités publiques et de l’industrie pharmaceutique [30], [31], [32], [33], [34], [35], [36], celle-ci ayant d’ailleurs veillé à ne pas devoir dédommager les victimes [37], [38], [39] ?
Des rapports bricolés mais influents
Vu le parti pris de M. Ahmed on peut en douter, comme on peut douter du fait qu’il agirait de manière indépendante et sans a priori. Qu’attendre, d’ailleurs, d’un CCDH qui, dans le contexte de la crise du covid-19, organise la campagne #DontSpreadtheVirus endossée par le gouvernement britannique[40]. Dans son appel aux dons pour continuer sa campagne « anti-anti-vaxx », le CCDH admet même être soutenu par le gouvernement britannique et la ville de Londres [41]. Leur influence se ressent dans les divers « rapports » du genre The Anti-Vaxx Playbook [42], The Anti-Vaxx Industry [43], The Disinformation Dozen [44] ou encore Failure to Act [45].
On pourrait s’attendre de la part du CCDH à des rapports de fond sur un phénomène, étayant la pertinence de leur analyse par la démonstration d’une logique intrinsèque et la pertinence de leurs recommandations (parfois aussi longues que les enquêtes elles-mêmes) par des arguments. Las, ces rapports font plus penser à un bricolage scolaire de captures d’écran, d’énumération de faits, de tweets disparates et de statistiques brutes sans analyse.
Dans The Anti-Vaxx Industry, par exemple, on peut lire que le CCDH a calculé à 1 milliard de $ la valeur économique que représenteraient « l’industrie anti-vaxx » pour les réseaux sociaux. Ce montant n’est même pas démontré mais avancé au subjonctif, car le nombre d’utilisateur « anti-vaxx » de chaque plateforme y est multiplié de manière assez simpliste avec la moyenne des revenus publicitaires de la plateforme et rien ne prouve que ces moyennes valent pour les « anti-vaxx ». Ce montant, de toute façon, paraît risible face aux près de 290 milliards de $ que pèsent l’ensemble des revenus annuels pour 2020 de Google (dont YouTube), Facebook (dont Instagram), et Twitter. Des cacahuètes, en d’autres termes. De même que le dénombrement de 59 millions (en 2020) de followers « anti-vaxx » sur ces 4 plateformes est censé impressionner et suggérer un danger, mais il n’est en fait rien contre les 5,8 milliards (en 2020) d’utilisateurs de ces 4 plateformes [46].
Malgré la simplicité, voire la médiocrité de leurs rapports, leur influence est énorme, allant jusqu’à la Maison Blanche, dont la porte-parole, Jen Psaki, cita ce 16 juillet 2021 le rapport Disinformation Dozen du CCDH [47], [48] pour justifier la censure de la « désinformation » sur tous des réseaux sociaux : « You shouldn’t be banned from one platform and not others for providing misinformation out there. » [49] Pas de chance pour le CCDH : Facebook a trouvé que les choses étaient plus complexes et que réduire le problème à seulement 12 personnes était un argument fallacieux [50] !
Zéro tolérance pour les propos contradictoires
Soyons clairs : sur le covid-19, les vaccins, la désinformation comme sur tout autre sujet, ces rapports ne remettent rien en question, mais répètent simplement le récit officiel ainsi que son cadre de discussion préétabli : le covid-19 est dangereux et tue, les vaccins sont toujours bons et tout propos contradictoire est d’office à considérer comme de la désinformation et mérite d’être sanctionné comme tel. Ils appliquent à merveille leurs propres conseils, comme celui de ne même pas engager la discussion car en discuter serait faire de la publicité aux informations considérées comme de la désinformation.
Le CCDH et les organisations du même genre fournissent un alibi en or aux censeurs : au demeurant, une indépendance et un sérieux derrière lesquels ceux-ci peuvent s’abriter. Une feuille de vigne qui cache la censure, en somme.
On ne s’étonnera donc même pas que l’un des directeurs du CCDH, le député conservateur britannique Damian Collins [51], ait ouvertement plaidé [52] pour que les théories du complot « anti-vaxx » soient juridiquement désignées comme nocives et que les plateformes digitales soient légalement obligées de les retirer proactivement, tout en rabâchant l’astuce de marketing de Pfizer et Moderna des 90% à 95% d’efficacité (depuis lors démasquée [53]). Il appelait de ses vœux une loi qui désignerait un catalogue de contenus concrets comme étant nocifs et qui obligerait les plateformes à agir proactivement à leur encontre. Ses propos, pour le moins prophétiques, tombaient toutefois à un moment (à la mi-novembre 2020) où les essais de phase III venaient de commencer depuis deux mois et qu’aucun vaccin n’avait encore été autorisé, même pas sous conditions.
Avec Magritte, on pourrait en conclure que ceci n’est pas de la censure, évidemment.
Par Colin Meier, journaliste citoyen indépendant et correspondant pour l'Allemagne chez BAM!
[1] https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age/digital-services-act-ensuring-safe-and-accountable-online-environment_en
[2] https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age/digital-services-act-ensuring-safe-and-accountable-online-environment_en, par ex. : « (46) Il est possible d'agir plus rapidement et de manière plus fiable contre les contenus illicites lorsque les plateformes en ligne prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que les notifications soumises par des signaleurs de confiance par l’intermédiaire des mécanismes de notification […] Il peut s'agir d'entités publiques, comme, en ce qui concerne les contenus terroristes, les unités de signalement des contenus sur l’internet des autorités répressives nationales ou de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs («Europol»); il peut s’agir également d’organisations non gouvernementales et d’organismes semi-publics, tels que les organisations faisant partie du réseau INHOPE de permanences téléphoniques pour le signalement de matériel pédopornographique et les organisations ayant pour objectif de signaler les expressions racistes et xénophobes illégales en ligne. »
[3] https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age/digital-markets-act-ensuring-fair-and-open-digital-markets_en
[4] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/en/TXT/?qid=1608116887159&uri=COM%3A2020%3A842%3AFIN
[5] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_20_2250
[6] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=COM%3A2020%3A790%3AFIN&qid=1607079662423
[7] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/censure/14086
[8] Acronyme des géants de l’internet réunis : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft
[9] https://www.counterhate.com/our-people
[10] https://find-and-update.company-information.service.gov.uk/company/11633127/officers
[11] https://www.politico.eu/person/tom-brookes/
[12] https://www.linkedin.com/in/tobrookes/
[13] https://europeanclimate.org/member/tom-brookes/
[14] https://www.ema.europa.eu/en/documents/assessment-report/comirnaty-epar-public-assessment-report_en.pdf p. 97
[15] https://www.ema.europa.eu/en/human-regulatory/overview/public-health-threats/coronavirus-disease-covid-19/treatments-vaccines/vaccines-covid-19/covid-19-vaccines-authorised
[16] https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/covid-19-vaccins/covid-19-vaccins-autorises
[17] https://www.bmj.com/content/373/bmj.n1244
[18] https://crowdbunker.com/v/iMae5L8QMllkh, voir l’exposé de Surya Arby
[19] https://bam.news/articles/article-3-8-une-securite-vaccinale-pavee-d-incertitudes/, lire aussi la suite du dossier : « Covid-19 : de la stratégie vaccinale belge au passeport vaccinal »
[20] https://reinfocovid.fr/science/effets-indesirables-en-europe-sur-les-vaccins-covid-19-pfizer-moderna-et-astrazeneca/
[21] https://www.youtube.com/watch?v=HMCgF08I6WU, voir l’exposé de la Dr Schmidt-Krüger (pour ceux qui connaissent l’allemand)
[22] https://crowdbunker.com/v/SOAngttF
[23] https://odysee.com/@Corona-Ausschuss:3/Sitzung-59-Der-Teufel-steckt-im-Detail-online:f?src=embed, voir l’exposé du Pr Bhakdi (pour ceux qui connaissent l’allemand)
[24] https://www.youtube.com/watch?v=nC7p6Zn6uX8
[25] https://ourworldindata.org/explorers/coronavirus-data-explorer?zoomToSelection=true&time=2020-03-01..latest&pickerSort=asc&pickerMetric=location&Metric=Confirmed+cases&Interval=7-day+rolling+average&Relative+to+Population=true&Align+outbreaks=false&country=GBR~PRT~ESP
[26] https://www.bmj.com/content/372/bmj.n149
[27] https://www.bmj.com/content/373/bmj.n1114
[28] https://2020news.de/en/whistleblower-from-berlin-nursing-home-the-terrible-dying-after-vaccination/
[29] https://www.youtube.com/watch?v=6wlvPBg4loM, voir l’interview avec Ramona Klüglein (pour ceux qui connaissent l’allemand)
[30] https://www.youtube.com/watch?v=kANkpqtWLN4, voir l’interview avec Mike Yeadon
[31] https://www.thelancet.com/journals/lanmic/article/PIIS2666-5247(21)00069-0/fulltext
[32] https://multipolar-magazin.de/artikel/efficacy-of-vaccines
[33] https://2020news.de/en/void-vaccination-consents-en-masse/
[34] https://bam.news/articles/vaccin-covid-19-un-consentement-libre-et-eclaire-vraiment/
[35] https://www.rubikon.news/artikel/triumph-der-irrationalitat
[36] https://www.kairospresse.be/au-heysel-on-vaccine-les-jeunes-a-renfort-de-dj/
[37] https://crowdbunker.com/v/O3dTZOB4FOHAo, voir l’intervention de Michèle Rivasi
[38] https://www.nytimes.com/2021/01/28/world/europe/vaccine-secret-contracts-prices.html
[39] https://www.ft.com/content/95c49b5a-f2c7-49a3-9ac5-3e7a66e3ad6b
[40] https://www.counterhate.com/dont-spread-the-virus
[41] https://www.gofundme.com/f/CCDH-fund-the-fight-against-antivaxx-lies
[42] https://252f2edd-1c8b-49f5-9bb2-cb57bb47e4ba.filesusr.com/ugd/f4d9b9_fddbfb2a0c05461cb4bdce2892f3cad0.pdf
[43] https://252f2edd-1c8b-49f5-9bb2-cb57bb47e4ba.filesusr.com/ugd/f4d9b9_6910f8ab94a241cfa088953dd5e60968.pdf
[44] https://252f2edd-1c8b-49f5-9bb2-cb57bb47e4ba.filesusr.com/ugd/f4d9b9_b7cedc0553604720b7137f8663366ee5.pdf
[45] https://252f2edd-1c8b-49f5-9bb2-cb57bb47e4ba.filesusr.com/ugd/f4d9b9_dbc700e9063b4653a7d27f4497f3c2c2.pdf
[46] https://wearesocial-net.s3.amazonaws.com/uk/wp-content/uploads/sites/2/2020/01/11-Social-Platform-Ranking-%E2%80%93-DataReportal-Digital-2020-Global-Digital-Overview-Slide-95.png
[47] https://twitter.com/CCDHate/status/1416010577554587655
[48] https://252f2edd-1c8b-49f5-9bb2-cb57bb47e4ba.filesusr.com/ugd/f4d9b9_b7cedc0553604720b7137f8663366ee5.pdf
[49] https://www.whitehouse.gov/briefing-room/press-briefings/2021/07/16/press-briefing-by-press-secretary-jen-psaki-july-16-2021/
[50] https://about.fb.com/news/2021/08/taking-action-against-vaccine-misinformation-superspreaders/
[51] https://www.counterhate.com/our-people
[52] https://www.politicshome.com/thehouse/article/antivaccination-disinformation-is-harmful-and-must-be-addressed-in-the-governments-online-harms-bill
[53] https://www.thelancet.com/journals/lanmic/article/PIIS2666-5247(21)00069-0/fulltext
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