ÉPISODE 3/4 : Le terrain de jeu des GAFAM et du monde politique

Le riche réseau de Tom Brookes

Celle-ci est financée par un réseau de fondations philanthropes ^[4], souvent associées aux fortunes de milliardaires comme le Rockefeller Brothers Fund (RBF), qui a donné de 2017 à 2020 400 000 $ à l’ECF ^[5] ou Bloomberg Philanthropies ^[6]. Ces partenaires co-financent, à côté de projets de lutte contre le covid-19, des projets pour apporter des solutions politiques et technologiques au changement climatique, notamment via la ClimateWorks Foundation (CWF) ^[7]. La CWF reçoit, parmi d’autres, le soutien financier du Bezos Earth Fund ^[8] (Jeff Bezos, fondateur et PDG d’Amazon), de Bloomberg Philanthropies (Michael Bloomberg, fondateur et PDG de Bloomberg L.P.) ou encore de Gates Ventures ^{[9], [10]} (Bill Gates, fondateur et ex-PDG de Microsoft) pour ne nommer que les plus connus.

En plus d’avoir plusieurs donateurs en commun avec la CWF, L’ECF a reçu des dons à raison de plusieurs dizaines de millions de dollars sur les six dernières années de la part de la CWF ^[11], dont le conseiller principal dans le ressort des stratégies de communications globales est… T. Brookes ^[12]. L’ECF, en revanche, finance divers projets, notamment des médias comme Carbon Brief Ltd. avec plus de 573 000 £ pour l’année 2020 ^[13]. Cependant, Carbon Brief a d’abord été fondé en 2010 au nom de Climate Brief Ltd. ^[14] par un certain Thomas Conrad Lewis Brookes (directeur de 2010 à 2014) ^[15], le même Tom Brookes qu’au CCDH ^{[16], [17]}, à l’ECF et la CWF.

John Podesta, le chaînon manquant

Attardons-nous un moment sur la CWF. Parmi son conseil d’administration ^[18] figure le nom, parmi ceux de divers représentants issus pour la plupart d’autres fondations en lien avec l’ECF, de John Podesta. Fonctionnaire du parti démocrate américain et de longue date intime du couple Clinton, J. Podesta est connu surtout pour deux choses. D’une part pour avoir été l’aide de camp de Bill Clinton lors de sa présidence ainsi que le directeur de campagne électorale de Hillary Clinton en 2016, dont les emails privés ont été divulgués par Wikileaks ^[19]. Ceux-ci révélèrent non seulement la collusion de J. Podesta avec la direction du parti démocrate et des lobbyistes de Wall Street et pro-israéliens pendant les primaires afin de diffamer le seul opposant d’Hillary Clinton, Bernie Sanders ^[20]. Mais ils mirent aussi à jour le fait que J. Podesta était au courant du fait que des alliés américains comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite soutenaient des militants islamistes en Syrie et au Moyen Orient en général ^[21].

Méli-mélo d’intérêts croisés

D’autre part, J. Podesta est connu pour avoir créé le Center for American Progress (CAP), un important think tank du parti démocrate, dont il est en même temps le PDG ^[22]. Il se trouve que parmi les senior fellows on tombe sur le nom de Simon Clark ^[23], le président de la direction du CCDH ^[24]. Le fait que Jen Psaki, la porte-parole de la Maison Blanche sous le président démocrate Joe Biden, ait recours aux rapports du CCDH lors d’une de ses dernières conférences de presse ^[25] paraît déjà moins être une simple coïncidence.

Parmi les très nombreux soutiens financiers du Center for American Progress (CAP) ^[26] en 2020, on retrouve les mêmes fondations et multinationales de gros mécènes qui financent la CWF ^[27] ou l’ECF ^[28], tels Bloomberg Philanthropies, le RBF et la CWF elle-même. Outre la Bill & Melinda Gates Foundation (BMGF, à titre de 1,5 mio. $ ^[29]) qu’on voit partout, on y retrouve notamment les GAFAM et la plupart des acteurs du numériques de taille mondiale, y compris certains de leurs dirigeants ou ex-dirigeants à titre personnel.

Ce méli-mélo d’intérêts professionnels et politiques, cachés derrière le mécénat, les bonnes causes et les fondations, dont des lobbyistes (souvent anciens) de l’industrie détiennent des postes, ne s’arrête pas là pour le CCDH. Kirsty McNeill, une autre directrice du CCDH ^[30], est en même temps curatrice du Holocaust Educational Trust ^[31], directrice de campagne de Save the Children ^[32], mais surtout elle est membre du think tank transatlantique European Council on Foreign Relations (ECFR) ^[33] et du conseil d’administration de la Coalition for Global Prosperity (CGP) ^[34]. Outre le soutien de nombreuses ambassades et ministères des affaires étrangères européens, on compte parmi les mécènes de l’ECFR ^[35] la BMGF et l’Open Society Foundation (OSF, fondée par le milliardaire George Soros). La CGP, quant à elle, bénéficie du soutien ^[36] de nombreux politiciens conservateurs, de Theresa May à James Cameron en passant par Gordon Brown (aile droite du Labour), ainsi que du soutien financier de la Bill & Melinda Gates Foundation (à raison de 1 217 850 $ ^[37]) et de la Children’s Investment Fund Foundation (CIFF) ^[38], qui soutient également la CWF ^[39] et l’ECF ^[40] (également soutenue à son tour avec 3,3 mio. $ en 2019 par l’OSF ^[41]).

Les liens des responsables du CCDH ou de leurs soutiens financiers laissent donc planer le doute sur la réalité de l’indépendance de l’organisation vis-à-vis du monde politique ou industriel. Notons également l’influence de l’agenda climatique (ou de Tom Brookes) sur la « lutte contre la désinformation » sur internet avec le titre même du webinaire, qui fait référence à l’Accord de Paris sur le climat de 2015. La lutte contre le changement climatique donne lieu à un débat controversé assez similaire à celui de la pandémie de covid-19 dans la manière dont les tenants de la vérité officielle traitent leurs opposants.

EDMO, bras armé de la Commission européenne

Venons-en maintenant à un autre acteur de la « communauté des fact checkers » présent lors du webinaire ^[42] avec la vice-présidente de la commission européenne : Paula Gori du European Digital Media Observatory (EDMO) ^[43]. Cette organisation est une entité hybride, difficile à cerner, car à la fois juridiquement indépendante des institutions européennes et ne bénéficiant pas du statut d’agence européenne : l’observatoire est de fait une création de la Commission Européenne ^[44].

Cette dernière finance l’EDMO à raison d’environ 2,5 mio. € ^[45] pour une première phase (débutant le 10 juin 2020, date de signature du contrat ^[46]). Ensuite viendront s’ajouter 11 mio. € pour la seconde phase ^[47], qui prévoit la création d’un réseau de centres nationaux et multinationaux à travers l’UE dédiés à combattre la désinformation. Les fonds pour cette deuxième phase proviendront de la Connecting Europe Facility (CEF-2) ^[48], un programme européen visant à développer l’infrastructure numérique au sein de l’UE, qui est à son tour gérée par la European Health and Digital Executive Agency (HaDEA).

Le modus operandi de l’EDMO y est clairement énoncé : il s’agit « d’améliorer la détection de la désinformation, la coordination de la réponse et la coopération avec l’industrie ». Autant d’étapes qui définissent un mot qui ne présage rien de bon pour nos vies et libertés.

Par Colin Meier, journaliste citoyen indépendant et correspondant pour l'Allemagne chez BAM!

[1] eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020PC0825&from=en

[2] https://bam.news/societe/investigation/episode-1-4-la-reglementation-une-censure-qui-ne-dit-pas-son-nom

[3] europeanclimate.org/member/tom-brookes/

[4] europeanclimate.org/funding-grantmaking/

[5] www.rbf.org/grants-search

[6] www.bloomberg.org/press/bloomberg-commits-50m-international-effort-move-beyond-coal/

[7] www.climateworks.org/about-us/funding-partners/

[8] www.vox.com/recode/22321861/jeff-bezos-climate-earth-fund-andrew-steel-amazon

[9] www.crunchbase.com/organization/gates-ventures

[10] www.gatesnotes.com/

[11] www.climateworks.org/grants-database/

[12] europeanclimate.org/member/tom-brookes/

[13] www.carbonbrief.org/about-us

[14] find-and-update.company-information.service.gov.uk/company/07222041/filing-history?page=2

[15] find-and-update.company-information.service.gov.uk/officers/WxCt5ApCWYF3Znh-yGWPUM9FtRA/appointments : Vu qu’il a le même nom, même âge (même mois, même année), même lieu de résidence et la même nationalité que T. Brookes du CCDH, qu’il signe « Tom Brookes », et que d’autres sources le confirment, on peut être raisonnablement sûr qu’on a bel et bien affaire à la même personne.

[16] find-and-update.company-information.service.gov.uk/officers/iylPI54tmStHqLamLv7vLFkUxyE/appointments

[17] www.northdata.com/Brookes,+Thomas+Conrad+Lewis,+Harrow/m0m

[18] www.climateworks.org/about-us/board/

[19] wikileaks.org/podesta-emails/

[20] thegrayzone.com/2020/01/27/dnc-perez-regime-change-agents-israel-lobbyists-wall-street-rig-game-bernie/

[21] thegrayzone.com/2016/10/11/hillary-clinton-isis-saudi-arabia-qatar-wikileaks-emails/

[22] www.americanprogress.org/c3-board/

[23] www.americanprogress.org/person/clark-simon/

[24] www.counterhate.com/our-people

[25] https://bam.news/societe/investigation/episode-1-4-la-reglementation-une-censure-qui-ne-dit-pas-son-nom

[26] www.americanprogress.org/about/c3-our-supporters/

[27] www.climateworks.org/about-us/funding-partners/