Inquiétant précédent en Europe : le crédit social digitalisé, progrès ou recul des libertés ?

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Les tribunes
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L'enfer est, paraît-il, pavé de bonne intentions. Mais en matière de bonnes intentions, on finit par douter de tout, après les manipulations subies pendant les deux ans qui viennent de s'écouler, et qui ne semblent pas près de s'arrêter.

Une des constantes dans la crise du covid mais aussi dans la crise ukrainienne est l'infantilisation des citoyens que nous sommes. Et de l'infantilisation à la culpabilisation, il n'y a qu'un pas ... Le mécanisme du crédit social, tel qu'il nous est présenté, s'assimile aisément à une « gommette » comme celle qu'on distribue aux petits enfants : gommette verte par exemple = bonne action ; gommette rouge = mauvaise action. N'est-ce pas exactement ce mécanisme binaire qui s'est installé, avec des « bons » vaccinés et des « mauvais » antivax, des métiers « essentiels » et d'autres qui ne le sont pas, des « bons » Ukrainiens et des « mauvais » Russes, etc. ? En somme, le simplisme, l'obligation de parti-pris, la doctrine plutôt que la réflexion cartésienne.

Le crédit social est une nouvelle forme d'ingénierie sociale déjà largement répandue et dont le modèle le plus connu et avancé s'applique en Chine. Regardons les dernières trouvailles en la matière pour nous forger une opinion.

Bologne : le portefeuille du citoyen vertueux

Le lancement de ce « smart citizen wallet » est prévue pour la fin de l'été 2022 1. Le mécanisme est basé sur une collecte de points à l'instar des mécanismes promotionnels des chaines de grande distribution ou des miles aériens.

Son capital-points est valorisé si les citoyens trient bien leurs déchets, utilisent les transports en commun, gèrent bien leur énergie mais aussi n'ont pas de sanctions administratives type taxes impayées. Sur ce dernier point, on imagine immédiatement le levier inverse : de mauvais points si le citoyen a fait l'objet de sanctions du type : taxe payée en retard, amende de parking impayée, ... Ce projet pilote présente encore beaucoup d'inconnues, notamment la définition des « bonus » à recevoir.

Sint-Niklaas (Belgique) : la monnaie locale récompense les bons comportements

Cette ville de plus de 70 000 habitants située en Flandre Orientale a développé une monnaie locale pour promouvoir le commerce local. La combinaison d'achats de produits locaux et de l'utilisation de cette monnaie offre des avantages en termes de prix. Jusque-là tout va bien ! Mais la ville va un pas plus loin et récompense désormais avec des bonus de cette monnaie locale « un comportement social souhaité » (sociaal wenselijk gedrag) 2. Les applications de bonne conduite : utiliser son vélo, des actions de volontariat ou fréquenter le parc de recyclage.

Et qui gratifie ceux qui gratifient ? En tête, l'Europe ainsi que la Région Flamande et la Province de Flandre Orientale, ont apporté ensemble des subsides à raison de 249 000 € pour le seul volet « crédit social ». De quoi donner des idées à d'autres villes et communes pour soulager leur trésorerie tout en incitant à faire « le bien ».

GovApp : outil d'alerte ou de traçage ?

Dernier jouet techno du gouvernement belge, GovApp 3 est une forme de WhatsApp dédiée aux alertes : inondations, alerte ozone, ... mais très vite, même si le gouvernement rassure sur le respect de la vie privée et la protection des données personnelles, on nous indique que l'on pourrait nous « inviter » à faire un test PCR, suite à un contact à haut risque ... Parce que le principe de l'app est de travailler à partir de votre numéro de GSM. Tous les fantasmes type Big Brother sont donc permis.  À suivre.

A suivre ... de très près !

À suivre aussi toutes les expériences similaires qui fleurissent un peu partout en Europe. La plus inquiétante est assurément le projet très avancé de « portefeuille européen d'identité numérique » appelé à intégrer nos données de santé et donc à terme faire office de carnet numérique de vaccination 4. De là, à craindre que ce portefeuille mute rapidement en distributeurs de bons et mauvais points, il y a un pas que nous n'hésitons pas à franchir. Rappelons que nos documents d'identité (carte d'identité, passeport, permis de conduire) sont administrativement reliés à notre nationalité. Cette appropriation par l'Europe est tout à fait abusive. Notre statut de citoyen européen n'a aucun caractère officiel. 

Aucun des exemples ne mentionne de caractère punitif. Pourtant, le crédit social « à la chinoise » repose sur les bons et les mauvais points. Pour ces derniers, les sanctions suivront, assurément. Ils sont le corollaire logique, voire automatique, d'un tel système. 

D'une société dite intelligente capitalisant sur la conscientisation et la rationalité, les élites modifient le logiciel avec un projet basé sur la récompense versus la punition. Le bien versus le mal. Le paradis versus l'enfer.

Les « Lumières » s'éloignent pour nous ramener à l'obscurantisme moyenâgeux dans un emballage technologique qui se veut « moderne et progressiste ».

 

Par Philippe Davister, chroniqueur chez BAM!


1 https://www.nexus.fr/actualite/news/credit-social-chinois-en-europe/
2 https://palnws.be/2021/06/sint-niklaas-beloont-sociaal-wenselijk-gedrag-met-digitale-stadsmunt/?
3 https://www.lecho.be/dossiers/coronavirus/govapp-la-nouvelle-application-pour-lutter-contre-le-covid-est-lancee/10384927.html
4 https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age/european-digital-identity_fr

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celle de BAM!

Source photo :
© Daniel de Wolff

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