On se rappelle qu’en 2020 The Lancet avait retiré une étude suggérant que l'Hydroxychloroquine augmentait la mortalité et les arythmies cardiaques chez les patients Covid‑19[1].
Une nouvelle étude française tente de démontrer que l’Hydroxychloroquine aurait causé plus de 16.000 décès. Or cette étude est basée, entre autres, sur l’interprétation erronée d’une étude belge.
BAM! Detox vous dévoile le pot aux roses…
16.000 décès ?
Récemment, la Société Française de Pharmacologie a présenté une modélisation selon laquelle l’Hydroxychloroquine aurait été la cause de plus de 16.000 décès dans six pays lors de la première « vague » de l’épidémie de SARS‑CoV‑2.
L’auteur principal de cette modélisation, le Pr J.C. Lega (Médecine interne) en a expliqué la méthodologie et les résultats dans cette courte vidéo :
Estimation de la surmortalité liée à l'usage compassionnel de l'HCQ - Jean‑Christophe LEGA (Lyon)
Notre attention a été attirée par un chiffre qui nous semblait peu plausible dans les données belges et nous avons donc cherché à comprendre.
51 % des patients belges soignés à l’Hydroxychloroquine ?
En effet, les auteurs de la modélisation affirment que 51 % de tous les patients hospitalisés pour cause de Covid durant la « première vague » auraient reçu l’Hydroxychloroquine.
Oui, vous avez bien lu : 51 % des patients belges hospitalisés auraient reçu l’Hydroxychloroquine.
Vous aussi cela doit vous étonner fortement !
Nous allons démontrer que, comme vous l’avez deviné, c’est absolument faux :
1) Période étudiée par l’auteur de la modélisation : première vague.
Nombre d’hospitalisations en Belgique durant cette période selon les auteurs de la modélisation : 19.644.
Nombre confirmé par le site de Sciensano : du 1/3/20 au 31/8/20 : 19.652.
2) Pour connaître le taux de prescription de l’HCQ, les auteurs utilisent l’étude belge qui a été publiée par Sciensano. Dans cette étude qui concerne 8.910 patients, on peut lire que 51 % d’entre eux ont reçu l’HCQ, soit 4.542 patients. Mais la modélisation applique ce taux de prescription de 51 % à TOUS les patients hospitalisés en Belgique durant la période étudiée. Alors que ce taux de 51 % de prescription de l’HCQ n’a été appliqué qu’aux 8.910 patients de l’étude belge sur l’HCQ et non pas à tous les patients belges hospitalisés.
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3) En appliquant erronément ce taux de prescription de l’HCQ de 51 % à tous les patients hospitalisés, l’auteur de la modélisation retient le chiffre de 10.018 patients sous HCQ. Alors qu’en réalité, il n’y a eu que 4.542 patients sous HCQ.
4) Ensuite, sur ce faux chiffre de 10.018 patients hospitalisés sous HCQ, l’auteur de la modélisation applique un taux de mortalité du Covid de 22 % et il calcule donc qu’il y a eu 2.424 décès sous HCQ. Alors qu’en réalité, il n’y en n’a eu que 804.
5) Et sur ce faux chiffre de 2.424 décès sous HCQ, l’auteur applique le taux de mortalité de 10 % attribué à l’HCQ tiré de l’étude Recovery, étude dans laquelle les patients recevait 2.400 mg d’Hydroxychloroquine par jour, soit 4 fois la dose et qui avait déjà une mortalité de 25 % dans le groupe contrôle (soit des malades au stade sévère). Il en déduit donc que 240 patients seraient décédés en Belgique à cause de l'Hydroxychloroquine.
Une interprétation inversée
Bien qu’ils affirment avoir utilisé les bases de données officielles des pays étudiés, nous voyons donc déjà que, pour la Belgique, les auteurs de la modélisation affirment l’inverse de ce que Sciensano avait conclu au sujet de l’étude qu’ils ont menée. En effet, sur la page de leur site internet, on peut lire :
« L’étude des données des patients hospitalisés en Belgique montre que sur les 8000 patients répondants aux critères d’inclusion de l’analyse, environ 4500 ont reçu un traitement à base d’hydroxychloroquine. L’analyse statistique multivariée (pour corriger le maximum de facteurs confondants) montre que le traitement par une faible dose d’ hydroxychloroquine tel qu’il fut prescrit dans les hôpitaux belges était associé à une mortalité hospitalière moins élevée que les patients n’ayant pas reçu ce traitement. »
Et :
« Il est cependant important de documenter son utilisation pendant la première vague de l’épidémie et de montrer qu’il n’y a en tout cas aucun signal de surmortalité chez les patients traités avec hydroxychloroquine selon les instructions belges. »
Une deuxième preuve du nombre RÉEL de patients belges hospitalisés ayant reçu l’Hydroxychloroquine se trouve dans le compte‑rendu de cette séance à la Chambre des Représentants datée du 16 juin 2020 :
https://www.dekamer.be/doc/CCRI/pdf/55/ic209.pdf
À la page 24, on trouve la confirmation du nombre de 5.000 patients dans la question posée par Dominiek Sneppe à Mme Maggie De Block, Ministre de la Santé.
Une erreur ?
On voit donc très clairement que les auteurs de cette modélisation ont pioché différentes données...et les ont assemblées à leur manière pour atteindre leur objectif d’attribuer une surmortalité mensongère à l’Hydroxychloroquine. Allant même jusqu’à prétendre l’inverse de la conclusion rédigée par les auteurs de l’étude officielle belge qu’ils ont utilisée.
La fraude est donc tout-à-fait visible en ce qui concerne les chiffres belges.
Qu’en est‑il alors des autres pays ? Est‑il plausible (et vrai) de dire que 84 % de tous les patients hospitalisés en Espagne ont reçu de l’HCQ ? Ainsi que 82 % de tous les patients hospitalisés en Italie ?
Les auteurs ne fournissent pas les liens vers les études qu’ils ont utilisées pour chaque pays mais nous en avons trouvé une qui concerne l’Espagne :
Hydroxychloroquine and Mortality in SARS‑Cov‑2 Infection; the HOPECovid- 19 Registry | Bentham Science
Elle concerne 6.217 patients dont 5.094 (82 %) ont reçu l’Hydroxychloroquine.
Avec cette étude sur les six que les auteurs disent avoir utilisées, on est encore très loin du nombre total des patients hospitalisés en Espagne durant la première vague (104.715).
Mais, même en admettant que les cinq autres études auront bien couvert la totalité des patients hospitalisés, à nouveau, on observe que, comme dans l’étude belge, l’Hydroxychloroquine a démontré une diminution conséquente de la mortalité : 17,5 % de décès dans la cohorte l’ayant reçue contre 34,1 % chez les patients qui ne l’ont pas reçue. Les effets bénéfiques sont très visibles sur les graphiques des courbes de survie.
Les médias (trop) rapides sur la balle
Bien que cette modélisation soit toujours en cours de relecture et qu’elle n’a donc pas encore été validée par les pairs, les médias se sont empressés de diffuser l’information :
Après le "Lancet Gate", assistons‑nous à une nouvelle fraude visant à accuser l’Hydroxychloroquine ?
Cette nouvelle “étude” française fait‑elle partie de la campagne de dénigrement dont fait actuellement l’objet le Pr Raoult ?
Il est en tout cas établi que l'interprétation des données belges utilisées dans le modèle de cette étude est erronée. Et force est de constater que lorsque l'on est contraint d'utiliser une modélisation, c'est que les véritables études ne donnent pas les résultats que l'on souhaite.
BAM! Detox.
*BAM! Detox rassemble des professeurs d’université, des médecins, des personnes travaillant dans le domaine pharmaceutique et médical ainsi que des journalistes indépendants. BAM! Detox a pour objectif d’analyser et de vérifier les informations diffusées dans les médias et les réseaux sociaux.
Illustration à partir d’une image de NicoElNino sur Adobe Stock.
[1] « The Lancet » annonce le retrait de son étude sur l’hydroxychloroquine