« Peux-tu nous faire une tribune sur l’Ukraine ? ». Je reçois ce message jeudi (24 février).
De prime abord, je réponds positivement bien que mon week-end soit chargé. Mais très vite, après réflexion – cette fameuse réflexion qui se le dispute toujours à l’émotion et dans le cas présent, ce n’est pas rien - une « tribune » sur la situation en Ukraine ne suffira pas. Un dossier, un document d’une dizaine de pages, peut-être, mais une tribune... Sachant tous les paramètres qui englobent le conflit du moment et que d’emblée me revient la formule bien connue : « la première victime de la guerre, c’est la vérité ».
Avant la date-clé du 24 février, propagande et désinformation ont déjà entamé leur pas de danse au rythme d’un bal qui n’a rien de festif. Des deux côtés, mais aussi de tous côtés, chacun y allant de sa vérité, de sa réalité. De fait, comme lors d’autres événements récents, nous voici en présence d’une pléthore de spécialistes en géopolitique et stratégie militaire. Sur les écrans et dans notre entourage. Ceux des écrans sont les plus consternants. Selon leur poste et leurs prétendues compétences, ils se permettent des rhétoriques guerrières et autres caricatures qui ne font qu’envenimer un contexte qui ne le demande pas vraiment. Quant aux « spécialistes » de nos entourages, la plupart sont incapables de situer l’Ukraine sur une carte du monde et viennent de découvrir les couleurs du drapeau de ce pays. Des « pros ceci » ou des « antis cela », des combattants de salon à ceux qui imaginent une invasion de la Pologne ou des pays baltes, quand ce ne sont pas « les chars russes qui vont débarquer dans Bruxelles » !
Le scénario de « La 3ème Guerre mondiale » (dont le tournage et la production ne sont pas encore en cours, mais on peut toujours nous le faire croire) pourrait connaitre un succès égal à celui de son prédécesseur pandémique. Ce dernier étant en perte de vitesse dans les audiences (même celles du grand public) et stoppé net du jour au lendemain. Bien entendu, les prestidigitateurs gouvernementaux ne lâchent pas facilement leur « poule aux œufs d’or ». Pour rappel, en Belgique, même si elle n’est pas encore organisée, la vaccination obligatoire pour les soignants a été approuvée par le Conseil des ministres, ce vendredi 25 février.
Nous voilà donc face à une guerre, une vraie, dont les tenants et aboutissants échappent au plus grand nombre. Avec son funeste lot de victimes qui, pour le moment, n’ont pas encore reçu la sale mention de « dommages collatéraux ».
En résumé, devant les enjeux géostratégiques et la méconnaissance générale (au mieux) de toute la chronologie qui précède cette actualité, il faudrait reprendre un véritable cours d’histoire pour retracer les événements qui, comme souvent, n’ont pas débuté hier matin, ou plus précisément le matin du 24 février 2022.
Des explications, disions-nous, qui demandent des pages et des pages de développement et qui laisseraient en rade nombre de « spécialistes ». Avec un tel foisonnement de composantes, par où commencer ? Quels sont les éléments les plus importants ? Eh bien, à peu près tous ! Que l’on parle du « Protocole de Minsk » plus souvent appelé « accords de Minsk » (combien peuvent en expliquer la teneur et les présentes conséquences ?) ou d’un président ukrainien qui n’est pas qu’un « comédien qui joue du piano à sa manière » ou encore de l’OTAN qui, poursuivant des manœuvres d’encerclement territorial, n’est plus à un paradoxe près, avec, en embuscade, des Etats-Unis à bout de souffle qui font tout pour garder la main. Qu’en est-il d’un président russe que l’on qualifie de « nouveau Tsar » ? Ce qui peut se justifier, attendu que, par son passé au KGB notamment, il possède une excellente connaissance de l’Occident. Ce qui n’était plus arrivé depuis le règne de la Maison Romanov. Et que dire de l’arrogance française ? Est-ce ainsi que l’on entend « négocier » ? Sans parler de l’imprudence allemande. Bloquer les approvisionnements en gaz (Nordstream 2) ne peut qu’appauvrir l’Europe occidentale et faire exploser les prix des matières premières. Evidemment, pour les futures pénuries, tout comme pour des cyberattaques d’envergure, « le conflit Russie-Ukraine » sera une des meilleures explications.
La liste est longue et on peut encore citer le précédent kosovar qui, comme d’autres sujets, a déjà été sciemment oublié. A ce propos, remarquons que les médias annoncent le conflit en cours comme le plus terrible depuis la 2ème guerre mondiale, faisant ainsi abstraction de la violente dislocation de la Yougoslavie dans les années 1990. Détail intéressant : suite à la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par l’OTAN et au-delà, Vladimir Poutine avait déclaré en 2008 : « le Kosovo vous reviendra à la figure ». Donc acte ?
On constate que les sujets sont multiples, qu’ils s’analysent individuellement mais qu’ils finissent toujours par s’imbriquer. Une tribune ne suffira pas et ce serait également faire un terrible affront à tous ceux qui souffrent de cette situation, qu’ils soient sur place ou plus éloignés. Seul le temps permet de faire la part entre l’émotionnel légitime et la réflexion nécessaire. Ajoutez à cela que la situation évolue rapidement. Pendant la rédaction de la présente « tribune », les médias sont passés de « La nouvelle table des négociations » à ce qu’ils nomment déjà « La bataille de Kiev ».
Allez savoir si au moment où vous lirez ces lignes « le danger sera passé ». Que l’événement sera sacrifié sur l’autel du zapping, de la mémoire courte et surtout de l’agenda mondialiste. Tant pis pour les drames, tant pis pour les morts même si, pour l’heure, les écrans aiment à s’attarder sur les images les plus tragiques. Faisant fi de tout raisonnement. Officiellement, on dénombre quelques 200 victimes civiles pour un pays de 45 millions d’habitants. Alors, comme le disait Staline et pour boucler cette sinistre boucle : « La mort d’un homme, c’est une tragédie, la mort d’un million d’hommes, c’est une statistique ».
C’est pour toutes ces raisons, pour celles que je n’ai pas développées et pour celles dont je n’ai même pas parlé que je n’écrirai pas de tribune sur la situation en Ukraine.
Par Nicolas d’Asseiva, auteur de Pax Dystopia
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