"Le pass sanitaire à la belge a tenu sa promesse de garder la majorité des lieux de loisirs ouverts. Il a toutefois été rapidement dépassé au niveau de la limitation des contaminations. Sans parler de son effet, nul, sur la vaccination."
"Montrer un QR code détaillant son statut médical pour avoir le droit de boire un verre au café, cela relevait jusqu’à l’été 2021 de la science-fiction malsaine façon Black Mirror. En quelques mois, et au grand regret d’une partie de la population, le pass sanitaire est pourtant devenu un réflexe quotidien pour des millions de citoyens."
"Au départ, ce qui a pris l’appellation de Covid Safe Ticket (CST) chez nous, pour ne pas froisser les esprits les plus libéraux, devait être limité aux voyages hors de nos frontières et à quelques grands événements organisés à la fin de l’été. Finalement, il est devenu un outil qui devait permettre de laisser ouverte la majorité des activités liées aux loisirs, tout en limitant les contaminations."
"Sauf que la faible efficacité des vaccins sur les contaminations, puis l’arrivée du variant omicron, ont remis en question l’utilité du CST. Il ne reste plus beaucoup de politiques ou de scientifiques pour le défendre mais il est toujours en activité."
"Cela laisse à penser que le CST aurait surtout pour but de convaincre les derniers récalcitrants ou hésitants à la vaccination ou au rappel. Un objectif qui n’a pourtant jamais été repris dans les textes légaux entérinant puis prolongeant le pass sanitaire à la belge. Heureusement d’ailleurs, car on pourrait alors parler d’un énorme échec. Les chiffres indiquent clairement que ni l’annonce de la mise en place du CST au début de l’automne, ni la menace de le suspendre le 1er mars pour ceux qui n’auraient pas fait leur dose de rappel n’ont permis d’augmenter significativement le nombre de piqûres."
"S’il a effectivement permis de garder les frontières, les restos et les salles de sport ouverts, malgré une situation sanitaire encore très compliquée, le CST semble aujourd’hui périmé. Même le commissaire corona, Pedro Facon, semble le penser. Il considère que l’on pourrait l’abandonner dès la fin février. Le hic, c’est qu’on n’attend pas le prochain Codeco et le passage en phase jaune du baromètre (et donc la fin du CST) avant la mi-mars. « Pas un jour de trop », qu’ils avaient pourtant promis..."
"Grands événements : un démarrage raté"
"A l’origine, le Covid Safe Ticket (CST) portait ce nom car il devait permettre de décrocher un « ticket » pour accéder à une poignée d’événements organisés à la fin de l’été. Chaque gouvernement y était allé de son petit lobbying afin d’obtenir que Tomorrowland, Ronquières, le Pukkelpop et le Grand Prix de Francorchamps puissent être organisés dans les meilleures conditions possibles. Cela serait pour ça et uniquement pour ça. On n’allait quand même pas « vivre dans une société du pass. »"
"Sauf que le monde de la culture s’est engouffré dans la brèche et a obtenu de pouvoir organiser toute une série « d’événements tests » en juillet-août. Des fêtes de villages et des concerts ont aussi pu être organisés grâce à cette première mouture du CST."
"Le hic, c’est qu’un seul des trois événements de base, ceux qui justifiaient à l’origine l’instauration du Covid Safe Ticket chez nous, a eu lieu. Les organisateurs de Tomorrowland et du Pukkulepop ont été contraints de jeter l’éponge. La météo s’est acharnée sur Francorchamps."
"Le Certificat covid européen a en partie facilité les voyages"
"C'est tout le mérite du Certificat covid européen, qui a permis d’éviter que chaque pays développe son propre pass. Sans cet outil commun lancé par la Commission européenne, il aurait fallu s’assurer, avant tout déplacement dans un pays de l’Union, que le modèle belge y était reconnu, ou se procurer la version locale. Ce certificat commun aux Vingt-Sept Etats membres (et déjà 35 autres pays, peut-être 22 supplémentaires) facilite à cet égard les voyages."
"En revanche, il n’a jamais empêché que les règles d’entrée sur le territoire diffèrent selon qu’on skie en Italie, en Autriche ou en Finlande. Chaque gouvernement reste en effet compétent pour imposer les critères de « son » CST national (par exemple la durée de validité), ou de lui coller des mesures additionnelles (telles les quarantaines ou tests obligatoires, même pour les personnes vaccinées ou guéries)."
"Les fermetures ont été limitées, mais..."
"Le deuxième objectif officiel du Covid Safe Ticket était d’éviter les fermetures dans les secteurs durement impactés économiquement lors des trois premières vagues. Sur le papier, le bilan est positif, à la grande exception du monde de la nuit. Les boîtes et dancings n’ont pu rouvrir que six semaines en octobre novembre, jusqu’à la libération de ce vendredi 18 février. L’absence de masque et le caractère « dynamique » de l’activité les avaient jusqu’ici condamnés à garder portes closes."
"Tous les autres secteurs comme la restauration, la culture et le sport ont eu l’opportunité de recevoir clients, visiteurs et supporters à condition de respecter des jauges maximales et des règles toujours plus strictes. On pense au CST+, à savoir l’ajout du port du masque en intérieur, aux horaires..."
"Ces secteurs ne se sont pas pour autant sentis privilégiés. Malgré le CST, ils ont souvent eu l’impression de n’être que des variables d’ajustement lors des négociations entre politique au Comité de concertation."
"Le CST n’a pas vraiment réduit les contaminations"
"Présenté tel quel noir sur blanc, le but du CST ambitionnait de « réduire les contaminations ». Objectif atteint ? Plutôt non, au vu du pic omicron qui a crevé tous les plafonds... Mais difficile de dire si on a malgré tout évité le pire, et ce pour plusieurs raisons."
"Le Covid Safe Ticket n’a pas eu d’impact significatif sur la vaccination"
"Dans la lutte contre le coronavirus, le Covid Safe Ticket n’est, comme la vaccination ou les gestes barrières, qu’un outil parmi d’autres. Un outil « qui doit d’abord être promu comme un instrument de réduction des risques et d’amélioration de la sécurité, plutôt que comme une obligation cachée de vaccination ou un “laissez-passer pour la liberté” », comme le souligne le Commissariat corona dans une note datant du mois d’août. Dans les lois et décrets instaurant le CST, on n’a jamais assumé cet objectif de vaccination. On le retrouve pourtant dans de nombreux rapports et notes d’experts ainsi que dans l’esprit de nombreux politiques comme faisant partie des instruments utilisés pour convaincre la population de se faire vacciner. Une mesure efficace ? C’est là que les choses se corsent."
"Une mesure efficace ?"
"Le 12 juillet 2021, Emmanuel Macron annonce aux Français l’extension du pass sanitaire en assumant entièrement l’objectif poursuivi : « Pousser le maximum d’entre vous à aller vous faire vacciner ». Et ça marche. Dans les jours qui suivent, les non-vaccinés sont nombreux à franchir le pas et à s’inscrire pour recevoir leur première dose de vaccin."
"Quid en Belgique ? Chez nous, il a fallu attendre le mois de septembre avant qu’on ne parle d’étendre le CST au-delà des événements de masse. D’abord prévu à Bruxelles le 1er octobre, il entrera finalement en vigueur le 15. A ce moment-là, la couverture vaccinale est bien plus importante qu’elle ne l’était chez nos voisins français au mois de juillet. Comme le note le Conseil supérieur de la santé, les pays où le taux de vaccination était supérieur à la moyenne (c’est le cas de la Belgique) ont connu une augmentation moins prononcée des vaccinations quotidiennes que les autres. Si le CST a eu un impact au mois d’octobre-novembre, il est marginal."
"Un effet sur la dose de rappel ?"
"Dès le 1er mars, la durée de validité du pass sanitaire sera réduite. Pour celles et ceux qui ont reçu leur 2e dose avant le 1er octobre (ou 1re pour le vaccin Johnson&Johnson), il faudra se faire booster le 1er mars pour conserver son CST. Idem pour le certificat de rétablissement, il ne sera plus valide que cinq mois après un test PCR positif, contre six auparavant. Cette annonce faite lors du Comité de concertation du 21 janvier aurait-elle eu un effet sur l’injection de la dose booster ? Les chiffres montrent que non, au contraire. Depuis l’annonce, le nombre de doses de rappel administrées chaque jour continue à baisser dans les trois Régions du pays."
"Les Belges découvrent la vie sous code orange du baromètre coronavirus à partir de ce vendredi 18 février, mais beaucoup aimeraient déjà voir le monde en jaune. Cela impliquerait la suppression du Covid Safe Ticket et des restrictions dans la culture, l’horeca ou les loisirs."
"Le dernier Comité de concertation a acté que sa prochaine réunion aurait lieu « début mars », mais il nous revient que certains aimeraient qu’on accélère le tempo. L’idée était de faire le point après la pause de carnaval, mais cela voudrait dire que le Codeco ne se tiendrait pas avant les 9, 10 ou 11 mars. « Cela ferait effectivement un joli cadeau de vacances d’annoncer le jaune avant les congés », entendait-on rue de la Loi. D’où l’idée qui circule d’avancer le prochain Codeco au 25 février."
"Cela permettrait aussi de résoudre l’équation illogique du CST. Il sera désactivé le 1er mars pour des milliers de Belges qui ne sont pas allés chercher leur dose de rappel dans les temps. Quelques jours de privation, pendant les vacances, alors qu’il sera plus que probablement supprimé, juste après... Pas tout à fait raccord avec le « jamais un jour de trop » promis par presque tous les politiques."
"En réalité, tout dépendra des chiffres de l’épidémie. Pedro Facon, le commissaire corona, fait partie des optimistes. Il estimait ce jeudi matin en radio qu’on pourrait atteindre des indicateurs permettant de passer en code jaune dès la fin février. « Mais on s’en tiendra au baromètre », nous assurait-on à bonne source. « On ne va pas passer en jaune si les hospitalisations sont encore dans le rouge, cela n’aurait pas de sens. »"
"Il faudra donc scruter les chiffres en début de semaine prochaine pour savoir si un Codeco anticipé est en approche."
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