« SOS Bonheur », une BD dystopique sur le totalitarisme

Expiré
Littérature
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Le monde qui nous attend (si ça continue comme ça) a été décrit en 1988, il y a plus de 30 ans, dans une série de BD du grand scénariste belge Jean Van Hamme [1]. On se frotte les yeux tant elle est d’actualité. Les auteurs y abordent, au fil des volumes, le monde du travail, la santé, les vacances, la sécurité publique, le contrôle de la démographie, la culture subventionnée, et enfin la révolution. Une mise en abyme incroyablement prophétique des grandes questions actuelles.

« Cette histoire ne risque pas de se démoder » avait prédit Griffo, le dessinateur. Ô combien il avait raison ! Vingt ans après, déjà, Jean Van Hamme écrivait de cette histoire écrite dans les années 1980 pour la télévision puis adaptée en bande dessinée, « si vous voulez être vraiment libre, vivez seul sur une île déserte, sans famille, sans amis, sans État et, bien entendu, sans portable ni internet ». Il constatait alors que sa dystopie était déjà devenue une réalité dans certains pays totalitaires et que la technologie permettait de plus en plus de fichage et de contrôle des populations.

Ceux qui s’écartent de la norme

Le briefing du projet de télévision, abandonné depuis, était au départ : « lorsqu’une norme est imposée pour assurer le bonheur théorique du plus grand nombre, qu’advient-il de ceux qui, volontairement ou non, s’en écartent ? ». Les différents récits, qui trouvent leur dénouement commun dans le dernier tome (La Révolution) parlent du danger que représentent pour la liberté individuelle les excès de « bien vouloir » d’un État dont on attend trop de bienfaits, d’où le titre de la série.

Les tomes 1 et 2 de la série font voyager le lecteur dans le monde de l’absurde. Le premier épisode, Plan de carrière, décrit les tribulations d’un employé dont l’entreprise lui interdit de savoir à quoi sert son travail. Le fonctionnariat poussé à l’extrême, en quelque sorte. Puis les auteurs abordent l’assurance-maladie, dont le meilleur moyen d’enrayer son déficit chronique est d’interdire aux gens de tomber malades. On part ensuite en vacances, mais des vacances un peu spéciales, puisqu’elles sont pour tous et à prix unique. Mais surtout, on est obligé de s’y amuser – on sent passer un petit frisson de Stephen King dans ce Club Med de carton-pâte.

Le fichage des citoyens (le numéro unique relié à un ordinateur central), la limitation des naissances (qu’advient-il des enfants nés « illégalement » ?), les subsides aux artistes, sont autant de caricatures poussées à l’extrême du monde en train de poindre sous la dictature technologique et le contrôle des populations. Ce n’est pas aussi terrifiant que Black Mirror, mais c’est dans la même veine : « et si on continue comme ça, cela pourrait nous arriver, on n’en est pas si loin… ».

« SOS Bonheur, un rêve éveillé qui se transforme en cauchemar », dit la 4e de couverture. On ne spoilera pas la fin, mais une chose est sûre : l’Histoire est un éternel recommencement. À lire d’urgence.

 

Par Hughes Belin, journaliste chez BAM!


[1] Griffo, Van Hamme, J. (2016 [1988]) : S.O.S Bonheur – L’intégrale. Éditions Aire Libre – Dupuis.

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