L’auteur à succès de littérature « feel good » vient de publier un livre passionnant qui retrace les origines des manipulations de masses[1].
À travers le récit de Tom, un jeune ingénieur français dont la vie banale va être bouleversée par une série de mesures liberticides et délirantes que va imposer son gouvernement, l’auteur démontre par l’absurde l’irrationalité de la gestion de la crise covid. Laurent Gounelle fait appel à des sources documentaires très pointues pour réveiller ses lecteurs face aux manipulations quotidiennes dont font l'objet les citoyens de nos démocraties.
L’auteur commence par exposer le mécanisme de l’ingénierie sociale développée en 1917 aux États-Unis pour permettre l’entrée en lice des Etats-Unis dans la Première Guerre mondiale. Souvenons-nous : alors que le peuple américain y est farouchement opposé et que lui-même s’est fait réélire l’année précédente grâce au slogan « He kept us out of war», Wilson va parvenir à retourner l’opinion. Comment ? En créant un « Committee on Public Information », plus connue sous le nom de « commission Creel » du nom du journaliste qui l’a dirigée. Comme il ne sert à rien d'essayer de convaincre les gens avec des arguments raisonnables, elle va faire appel à leurs émotions, à de la désinformation massive, à la peur collective. En un rien de temps, l’opinion publique est retournée et soutient à fond la guerre. Cette vaste opération est un énorme succès.
La fabrique du consentement
Plus tard, ce seront les multinationales qui s'intéresseront à la méthode de cette commission pour augmenter la consommation de bacon ou pour pousser les femmes à fumer. « Il faut pour cela utiliser les nouvelles techniques d’influence et les médias de masse pour ‘cristalliser l’opinion publique’ et ‘fabriquer le consentement’ », selon ses propres termes. Il enfonce le clou : « La manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays. »
Un récit absurde
Tom, un jeune ingénieur français vivant dans un petit appartement à Paris. Une vie banale. Elle va être bouleversée par une série de mesures que va imposer son gouvernement. Le credo repris par le pouvoir en place est : d'éradiquer la mort. Son premier objectif : mener une guerre contre les accidents automobiles. Tout ressemblance avec la crise covid n'est absolument par fortuite.
Voici quelques-unes des mesures mises en place : confinement des voitures, interdiction de sortir sa voiture sauf motif valable, obligation de remplir un papier pour chaque déplacement, obligation de porter une minerve au volant. Ces mesures de précaution sont imposées jusqu'à LA SOLUTION qui permettra la sécurité de tous : la voiture automne considérée comme plus fiable, moins encline à rêvasser, à perdre l’attention, à penser à autre chose qu’à conduire.
Afin de lutter contre la surmortalité lors d’accidents automobiles, des règlements « contraignants et liberticides » sont donc adoptés par le pouvoir exécutif français. Tom les accepte, sans sourciller ni trop réfléchir. Tom se soumet à chaque obligation, qu’il considère comme éclairée, puisque prise par l’autorité qui dirige le pays.
Finalement, le compte à rebours est lancé ! De grandes entreprises s’acharnent alors à trouver la solution. Finalement une voiture autonome sort des usines, et obtient la validation, à vitesse grand V, de mise sur le marché des autorités compétentes, en France. Mais très rapidement, des sceptiques expriment des doutes sur la fiabilité des modèles mis en service : sont-ils vraiment fiables ou encore en phase expérimentale ? Les ministres affirment que la probabilité d’avoir un accident est de toute façon largement inférieure à bord de ces véhicules que dans les voitures classiques. On connaît la suite…
Que faire ?
Face à cette gigantesque manipulation de masse, Gounelle cite Noam Chomsky[2] pour décoder et analyser la réalité : « Ne prenez pas vos présomptions pour des faits acquis. Commencez par adopter une position critique envers toute idée. Forcez-la à se justifier. Soyez prêts à poser des questions sur tout ce qui est considéré comme un fait acquis. Essayez de penser par vous-même. Il y a beaucoup d’information en circulation. Vous devez apprendre à juger, à évaluer et à comparer les choses ».
Pour s'en sortir, nous dit l'auteur, il y a un travail sur soi à faire « qui vise à élever sa conscience, notamment en clarifiant ses pensées et ses intentions, en se libérant de ses peurs, en maîtrisant ses pulsions, en développant en soi la compassion et l’amour : amour de soi, amour des autres, amour de la Vie ». « Pourquoi ce travail sur soi est-il exigeant ? Parce qu’il sera toujours plus facile de se laisser happer par nos peurs que de gagner en confiance, il sera toujours plus facile de s’assujettir au regard des autres que de s’en libérer, il sera toujours plus facile de juger que de comprendre, il sera toujours plus facile d’obéir à nos bas instincts que de s’en délivrer : il sera toujours plus facile de se laisser tirer vers le bas que d’élever sa conscience ».
Par Jean-Luc Roux, journaliste indépendant chez BAM!
[1] Le Réveil, Laurent Gounelle, éd Calmann Levy, mars 2022, 192 pages
[2]Noam Chomsky, La fabrique du consentement, 1988
Quelques lectures intéressantes
Pour prolonger le questionnement suscité par la lecture de ce livre, voici quelques-unes des références données par l’auteur à la fin de son roman :
Sur la manipulation des masses
Bernays, E. (2007) : Propaganda : comment manipuler l’opinion en démocratie. Éd. Zones.
Bernays, E. (2011) : Crystallizing Public Opinion. IG publishing.
Chomsky, N. (2008) : Comprendre le pouvoir. Lux Éd.
Chomsky, N. (2013) : Sur le contrôle de nos vies». Éd. Allia.
Chomsky, N. (2019) : Fabriquer un consentement : la gestion politique des médias de masse. Éd. Investig’Action.
Lackland Air Force Base (NA) : Communist Techniques of Coercive Interrogation. Air Force Personnel & Training Center, Lackland Air Force Base. San Antonio, Texas.
Negrea, X & A. Dumitru (2016) : Group and social collective manipulations. The European Proceedings of Social and Behavioural Sciences.
Zuboff, S. (2020) : L’Âge du capitalisme de surveillance : le combat pour un avenir humain face aux nouvelles frontières du pouvoir. Éd. Zulma. 2020
Sur le trilemme de Rodrik
Dani Rodrik est un éminent économiste, Professeur à Harvard, conférencier à la London School of Economics, il a reçu en 2002 le célèbre prix Leontief pour l’avancement des limites de la pensée économique. Quant à son « trilemme », Rodrik démontre qu’il est impossible pour une nation d’être en même temps souveraine, mondialisée, et démocratique.
Bolotnikova, M.N. (2019) : The Trilemma. Harvard Magazine July-August.
Burauel, P.F. (2013) : China and the Golden Straitjacket of Globalization. L’Europe en formation 370.
Rodrik, D. (2011) : The Globalization Paradox : Democracy and the Future of the World Economy. Éd. W.W. Norton.
Sur le lobbying à Bruxelles
Chavagneux, C. (2010) : Les multinationales définissent-elles les règles de la mondialisation ?. Politique étrangère. Institut français des relations internationales.
Corporate Europe Observatory (2017) : Nearly half the experts from the European Food Safety Authority have financial conflicts of interest. 14 juin 2017.
Dagorn, G. & S. Horel (2019) : Petit guide de lobbying dans les arènes de l’Union européenne. Le Monde, 23 mai 2019.
Greenwood, J. & J. Dreger (2013) : The Transparency Register : A European vanguard of strong lobby regulation ?. Interest Groups & Advocacy.
Lobby Control (2014) : EU-Expertengruppen : Kommission lässt sich in Steuerfragen von Lux-Leaks-Tricksern beraten. 20 novembre 2014.
Sur la vision du président du Forum de Davos Covid-19
Schwab, K. & T. Malleret (2020) : La grande réinitialisation. Forum Publishing.
Sur la construction européenne
Aldrich, R.J. (1997) : OSS, CIA and European unity : The American Committee on United Europe, 1948-60. Diplomacy and Statecraft 8 (1).
Evans-Pritchard, A (2000) : Euro-federalists financed by US spy chief. The Daily Telegraph, 19 Sep 2000.
Heyde, V. (2008) : Discussions américaines concernant l’Europe de l’après-guerre (1940-1944). Les Cahiers Irice 1.
Sur le fichage biométrique de la population mis en place par l’Union européenne
Pellegrini, F. & A. Vitalis (2018) : Identification biométrique et contrôle social, l’ère du fichage généralisé. Le Monde diplomatique, avril 2018.
Union européenne (2019) : Regulation (EU) 2019/1157 of the European Parliament and of the Council of 20 June 2019, on strengthening the security of identity cards of Union citizens and of residence documents issued to Union citizens and their family members exercising their right of free movement. Official Journal of the European Union, 12 juillet 2019.