La stratégie vaccinale belge (mais pas seulement) repose également sur le déni de l’expérience de décennies de vaccination de masse, comme l’induction de la prévalence de souches résistantes à l’immunité vaccinale[1],des effets d’augmentation de pathologies associées aux souches vaccinales inattendues[2] ou le déplacement des manifestations symptomatiques dans des populations initialement peu touchées[3].
Il existe plusieurs articles scientifiques qui dressent le bilan des stratégies vaccinales appliquées à différents pathogènes, et qui mettent a posteriori en lumière certains problèmes et défauts inconsidérés à l’époque par manque de connaissance[4]. La conclusion c’est qu’il n’existe pas de vérité vaccinale absolue. Il y a des succès et des échecs, et des leçons à tirer.
Ceux qui gèrent la crise n’ont pas l’excuse de ne pas connaître ces risques et ils devraient être pris en compte dans l’évaluation des stratégies. Les nier ou négliger ne fait que renforcer la méfiance. Par exemple, il n’existe aucune preuve scientifique qui permette de démontrer qu’un vaccin puisse mettre fin à une épidémie d’un virus ARN émergent. La polio n’avait rien d’émergent et plus de 60 années de vaccination ne l’ont pas encore éradiquée[5]. Il existe des preuves scientifiques qui invitent, au contraire, à se montrer prudent et à ne pas négliger les effets en cascade.
Limitations techniques et logistiques majeures
La stratégie vaccinale de masse initiale appliquée au Sars-Cov-2 n’a jamais pris en compte une série de limitations techniques et logistiques majeures. Par exemple, les vaccins développés contre une version « primitive » du virus avaient beaucoup de chances d’être obsolètes quelques mois plus tard, face à un virus émergent destiné à évoluer pour s’adapter à son nouvel hôte – les fameux « variants ».
Il n’existait aucune garantie de succès à la découverte d’un vaccin efficace voici plus de 12 mois. Même dans les conditions les plus favorables, il était parfaitement prévisible qu’il faudrait des mois pour la livraison de milliards de doses d’un nouveau produit. En outre, la plupart des vaccins qui dominent le marché ne sont pas adaptés à une utilisation dans une large partie du globe (température de stockage, complexité logistique, prix,…)
Aucun pays ne peut espérer sortir de crise tant qu’on dépendra d’une définition de l’épidémie à géométrie variable par l’OMS : elle peut justifier un statut pandémique perpétuel s’il reste un pays dans le monde qui fait face à une situation de persistance épidémique !
Chiffre « magique »
Quand on voit la réaction de nos dirigeants et experts répercutés dans les médias, obnubilés par un chiffre « magique » évolutif de couverture vaccinale[6], il y a de quoi s’inquiéter. Car ils ont basculé dans une logique qui a perdu de vue l’objectif de traverser cette crise avec un minimum de conséquences délétères à court, moyen et long terme. Est-ce servir cet objectif que de prendre le risque de générer des conflits, d’induire une profonde fracture sociétale ou de mettre en péril le futur de tous les vaccins ?
La perte de vue de l’objectif global conduit certains à tenir des propos dont ils ne semblent pas mesurer la portée. Pour réaliser un objectif de chiffre d’une unique campagne vaccinale pour une unique maladie, certains n’hésitent pas à mettre en avant les plus mauvais chiffres d’efficacité des vaccins grippaux[7], à proclamer qu’il est normal que des personnes décèdent[8], que la démocratie devient un frein à la liberté[9], que la discrimination est justifiée si les gens ne choisissent pas la solution proposée[10], etc.
Derrière ceci se cachent des conséquences durables qui vont détériorer bien plus sûrement le pays pendant de nombreuses années que les victimes de l’épidémie que nous aurons probablement oubliées dans deux ans. Aussi choquant que ce propos puisse sembler aujourd’hui, nous aurons fait le deuil des victimes avant d’oublier les conséquences indélébiles des paroles et actes malheureux.
Message brouillé
En fin de compte, il est temps d’accepter un fait incontournable et prévisible : qu’on vaccine ou pas chez nous, il est de plus en plus clair que ceci n’empêche pas le virus de continuer à circuler, et nous découvrons chaque mois un nouveau variant qui peut échapper à l’immunité.
Or plus ceci semble se confirmer, plus le message se brouille : l’immunité n’empêche pas la réinfection, mais ce n’est pas grave parce que la réinfection est généralement bénigne ; mais il faut maintenir les mesures et continuer à vacciner pour empêcher la réinfection, parce que la réinfection favorise la propagation de variants échappant à l’immunité, et plus il y a de variants, plus ils échappent à l’immunité, plus ils circulent ; mais ce n’est pas grave puisque l’immunité semble efficace contre les variants ; il faut donc vacciner encore plus pour encore mieux empêcher la circulation et l’apparition de nouveaux variants, même si la vaccination n’empêche pas l’apparition de variants et que les mesures n’empêchent pas les variants exotiques d’arriver sur le territoire… (Vous suivez toujours ?)
Se poser les bonnes questions
Tout ceci devient de plus en plus incohérent et il serait temps de poser la question la plus importante une bonne fois pour toute : si l’immunité n’empêche pas la circulation, qu’elle n’empêche pas l’infection, et que son principal bénéfice consiste à limiter les risques de complication, quand considère-t-on qu’on est sorti de crise ?
Parce qu’une solution est supposée répondre à un besoin. Si l’immunisation des potentiels malades permet de les protéger contre les différents variants, quel est le bénéfice à vacciner toujours plus de personnes sans savoir si cela va réellement empêcher les futurs malades des futurs variants ? Est-ce que ce bénéfice supposé est suffisamment élevé pour justifier de transformer une vaccination libre en une vaccination quasi-obligatoire à force de pression ? Ne sous-estimons-nous pas les impacts de ces messages contradictoires ? La vaccination généralisée pour une telle maladie est-elle justifiée ou au contraire risque-t-elle de créer de nouveaux problèmes ?
Seule une réponse honnête à ces questions, à partir de faits scientifiques débattus par un panel multidisciplinaire d’experts, peut permettre d’éventuellement rectifier la stratégie vaccinale actuelle, entachée d’une hypothèse de départ irréaliste.
Si nous nous trompons sur les conséquences d’une vaccination généralisée, elle pourrait se révéler une des pires idées que nous ayons eues…et notre histoire est jalonnée d’idées très discutables. « Si l'erreur n'est pas un crime, l'entêtement peut le devenir ».[11]
Par Caroline Vandermeeren et Sandra Ferretti
[1] Emergence of 19A as Virulent and Multidrug Resistant Pneumoc... : The Pediatric Infectious Disease Journal (lww.com)
[3] https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMe058181
[4] https://www.jle.com/en/revues/gpn/e-docs/les_effets_indesirables_de_limmunite_de_groupe_ou_quand_la_vaccination_infantile_devient_deletere_
pour_lepidemiologie_inf_288220/article.phtml?tab=citer
[5] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3782271/
[10] https://www.lalibre.be/belgique/societe/nathan-clumeck-professeur-a-l-ulb-evoque-les-dossiers-chauds-de-la-crise-sanitaire-la-vaccination-n-est-pas-obligatoire-mais-tres-necessaire-6098cd6c7b50a61692b737ae
[11] Pierre-Claude-Victor Boiste
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