Madame, Monsieur,
Je vous écris pour vous faire part de mon immense préoccupation par rapport aux mesures coercitives et à la discrimination médicale qui tiennent actuellement lieu de réponse politique à l'épidémie de covid en Belgique - en particulier les débats qui s'annoncent au parlement à propos de la vaccination obligatoire, ou d'un éventuel pass vaccinal.
Quels motifs donne le commissaire "Corona" à ces propositions, dans une note aussi absurde que paresseusement rédigée[1] ? Rester en "peloton de tête" d'une fantaisiste course au vaccin qui n'existe que dans la tête de technocrates férus de classements abstraits, plutôt que sincèrement inquiets de la santé publique au sens large. Un but aussi vague ne devrait normalement pas initier de discussion sur les moyens coercitifs de l'atteindre, avant d'avoir reçu un claire définition, chiffrée en termes de couverture vaccinale, et des motivations sérieuses de le poursuivre.
Ce n'est hélas pas la première fois que les parlementaires se dispensent allégrement de cette étape initiale : le CST élargi a été instauré début novembre dans le but vague de "freiner les contaminations", sans qu'aucun parlementaire de la majorité ne s’émeuve de l'absence de critères de satisfaction d'un tel "but".
Faute de la définition claire d'un but digne d'être poursuivi, on ne peut pas raisonnablement attendre de bénéfices des politiques d'obligation et de ségrégation proposées à votre examen.
Il est en revanche facile d'en anticiper les nombreux dommages, étant donné que l'espace public se remplit de nos jours de personne très disertes sur les instruments de contrainte, et que le débat se centre compulsivement sur la manière la plus subtile et imaginative de harceler la minorité de citoyens belges n'ayant pas reçu de vaccin contre le covid. Voici une liste non-exhaustive de ces dommages:
1) La contrainte alimente la méfiance ;
Toute mesure coercitive pour contraindre à se faire vacciner constitue de facto un encouragement à se méfier des vaccins[2]. Elle fait très clairement comprendre à ses cibles qu'il n'y a pas d'argument raisonnable disponible, et que l'on en arrive à les forcer par manque d'éléments convaincants. La rupture de confiance entre publics et institutions de santé publique que ce genre de pression occasionnera (et occasionne déjà avec le CST) mettra des années à se résorber - à supposer que les représentants de la majorité réalisent leur fourvoiement, ce qui est hélas douteux.
2) Le chantage empêche le consentement éclairé ;
La loi du 22 août 2002[3] énonce que, dans une relation de soins, tout patient a droit d'accorder ou de refuser librement son consentement à un acte médical. Depuis l'instauration du CST, cette obligation n'est pas satisfaite. Personne n'est réellement libre de refuser un traitement si les conséquences de ce refus sont l'exclusion de la vie sociale, culturelle, sportive et familiale. En témoignent toutes les personnes qui ne se sont pas vaccinées pour des raisons médicales mais pour céder au chantage, et échapper à la menace de l'exclusion sociale.
Le juge de Liège qui a trouvé le CST wallon raisonnable et proportionné le 7 janvier[4] ne se rend très probablement pas compte du sacrifice budgétaire que représente un ajout de 40€ de frais de test PCR au prix d'un ticket de piscine, de cinéma, ou même au simple geste d'aller visiter ses proches en maisons de soin. Oserez-vous dire aux membres des ménages qui ne peuvent pas se permettre de tels frais que leur consentement à la prise du vaccin est libre et éclairé ? Le CST en place opère déjà une grave dégradation du consentement indispensable à tout acte médical. A fortiori, le pass vaccinal et l'obligation vaccinale (par définition), vont empirer ces dégâts.
3) L'échange de la prise d'un traitement contre un privilège enfreint l'intégrité corporelle et marchandise le corps.
En Belgique, l'intégrité corporelle et l'autonomie des patients sont les deux principes qui fondent cette obligation de recueillir le consentement éclairé. Rendre le vaccin obligatoire pour l'exercice de droits fondamentaux, accorder ces droits comme des privilèges ou des récompenses à ceux qui ont fait le choix promu par le gouvernement, c'est considérer le corps, ce qu'il y a de plus intime et sacré pour une personne, comme une monnaie d'échange.
C'est favoriser l'instauration d'un rapport marchand et mercenaire du destinataire de soins envers son propre corps. Où est l'intégrité corporelle quand on installe des équivalences aussi nocives et dystopiques : deux injections contre un CST, trois doses de vaccins contre double ration de liberté de circuler ! La campagne de vaccination a déjà appâté des jeunes dans les hangars de vaccination en y plaçant des DJ dans un mélange des registres malsain. Au nom de l'intégrité corporelle, la Belgique interdit le commerce d'organes et de tissus[5] ; pourquoi la majorité installerait-elle aujourd'hui un commerce d’interventions médicales contre certificats, titres et tickets ?
4) La coercition légitime les discours faisant des non-vaccinés des boucs émissaires.
En ciblant les personnes n'ayant pas reçu de vaccin contre le covid comme un problème urgent de santé publique, les propositions d'obligation et de pass vaccinal entérinent l'idée que le groupe des non-vaccinés constitue une "menace pour l'hôpital". Le premier ministre a employé à deux reprises dans des interviews de presse grand public, des chiffres faux[6] pour confirmer cette idée. Lorsqu'il a été contraint de reconnaître ses mensonges, il s'est obstiné dans sa volonté de "pointer du doigt" la minorité qui lui sert de bouc émissaire . Pour ce ministre, pas besoin de prémisses vraies pour asséner obsessivement sa conclusion[7]. Il est aujourd'hui cité en justice, avec monsieur Vandenbroucke, pour incitation à la haine[8].
Avec cette rhétorique il oublie commodément de préciser que les non-vaccinés qui se sont fait hospitaliser n'ont pas été LA cause du débordement hospitalier, que ces débordements ne sont pas neufs, et qu'ils résultent et continueront à résulter du manque de main d’œuvre en soins infirmiers. Par ailleurs, la majorité ne peut pas sérieusement nous faire croire qu'elle se soucie de sauver l'hôpital, quand, au pic de la quatrième vague, sa priorité était de pousser au licenciement des dizaines de milliers de soignants.
Se précipiter pour abolir les droits fondamentaux (droits de consentir, liberté de mouvement, droits culturels, droit à une vie familiale,...) d'une minorité, par pingrerie envers le financement d'un service public, n'est pas digne d'une démocratie. Si le tout est de sauver l'hôpital sans jamais le refinancer sérieusement, on pourrait aussi enfermer les personnes au BMI supérieur à 25 chez elles, leur faire livrer un repas sain et ne les laisser sortir que lorsqu'elles auront retrouvé une ligne au goût du gouvernement…
Si les hospitalisations de certaines personnes non-vaccinées étaient évitables, faire de ces malades eux-mêmes les responsables du tort est trop facile pour dédouaner une majorité gouvernementale de ses échecs. La non-prise d'un vaccin par les personnes vulnérables est avant tout l'échec d'une campagne qui a paresseusement substitué la contrainte aux arguments et au dialogue (cf point 1). Ce n'est pas en s'enfonçant dans cette voie qui menace et culpabilise les malades qu'on accomplira quoi que ce soit de constructif. Vous allez au contraire, en votant pass ou obligation, aggraver l'hostilité attisée par messieurs De Croo, Vandenbroucke, Lachaert, Rousseau,... envers la minorité, en instituant une couche de ségrégation supplémentaire.
J'espère que vous garderez ces considérations à l'esprit quand il s'agira de voter sur un sujet aussi sensible pour notre démocratie et pour la paix sociale. Ne tournez pas le dos aux fondements de notre vie politique pour des hypothétique gains de quelques rangs dans une abstraite course à la vaccination.
Cordialement,
Anonyme
[1] https://www.rtbf.be/news/article/download?blockId=5663923
[2] Une illustration pour le cas français est disponible à l’adresse suivante : https://www.nature.com/articles/s41591-021-01661-7 : « The passe sanitaire increased levels of vaccination, but to a lower extent among the most vulnerable, and did not reduce vaccine hesitancy itself »
[3] https://www.md-universal.eu/images/loi_du_22_aout_2002_relative_aux_droits_du_patient.pdf
[6] https://www.levif.be/actualite/sante/fact-check-non-il-n-y-a-pas-cinq-fois-plus-de-non-vaccines-en-reanimation/article-normal-1507855.html?cookie_check=1640701007 ; https://www.standaard.be/cnt/dmf20220109_97853537
[7] https://twitter.com/alexanderdecroo/status/1481625981676933122#m à partir de 1’30
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